LA PAGE BLANCHE 2023 - 2024

 

Nita LP, 25 septembre 2023

 

La Page Blanche

 

Faire écrire, pourquoi ?

Parce que l'écriture a donné un sens

Parce que l’écriture a soulevé un voile

Parce que l'écriture a dit les choses tues

Parce que l’écriture a ouvert les possibles…

 

Je veux être là…

 

Alors je suis là, devant eux, la boule au ventre, le front moite, dans mon incertitude et dans toutes mes certitudes…

 

J'ai peur. Je veux être là et j'ai peur…

 

Pour me détendre, je tente quelques plaisanteries… Faciles, les plaisanteries, mais ils sourient… Bienveillants, ils semblent bienveillants à mon égard, pas ou peu de mines retenues, ils m’accueillent…

Ils attendent… mais qu’attendent-ils vraiment ? J'ai peur !

- des mots ! Bien sûr des mots mais lesquels ? Des jeux de mots, des mots légers qui nous amuseront ou des mots lourds de sens qui caresseront d'abord mais peut-être ensuite trancheront et remueront le stylo dans une plaie béante et faussement refermée ?

 - des mots qui les mettront à nu devant leur être profond ?

- attendent-ils cette passion que je veux leur partager ? Cette essence de ma vie qui m’éclaire ? Et qui, en même temps peut faire si mal ?

 

Je ne sais pas ce qu'ils veulent de moi mais je sais que j’ai choisi d’être là !

 

Alors, les yeux dans les yeux, je vais leur dire : voilà, je ne suis pas Rimbaud, hélas ! n’attendez pas Éluard mais je suis là devant vous.

Je vous propose seulement, simplement, que l'on fasse un bout de route ensemble, sur ce chemin d’écriture qui transcendera nos êtres, nos vies et nous permettra enfin de sentir puis de savoir que nous existons…

 

 

 Christine H, octobre 2023

 

Écrire

Aucune idée à l'horizon ! Aucune angoisse non plus !

Juste le plaisir de saisir un stylo pour se mirer dans l'infinie blancheur de la page. Ouverte au plus offrant, je m'embarque là où me jetteront les idées . L’aventure frissonne au bout de mes doigts. Les mots s'agglutinent, pressés de faire entendre leurs voix. Des phrases éclosent et dansent au rythme de mes humeurs. Le plus ardu est de s'abandonner à ce déferlement inattendu, sans résistance ni a priori.

 

Et le sens me direz vous ?

 

Qu'importe ! C'est de sang dont il s'agit.

En giclées épaisses, les pulsations violentes de mon esprit exhibent la part insondable de mes émotions. L’écriture expose en toute impudeur les dessous de soi. La brutalité se mêle à ladentelle. Je ne suis plus qu'une fille de joie qui racole au fil  des lignes interlopes.

 

Tout est mélangé, tout est moi, tout est autre.

 

Certains mots trébuchent, récalcitrants. Vite, il me faut passer outre, en chevaucher d'autres plus dociles, flatter leur échine et frémir de bonheur lorsqu'ils éclairent enfin une évidence qui peinait à se dévoiler. Alors, à bride abattue, je pars au grand galop. L’excitation grandit et je note, je note sans cesse la cavalcade des idées hennissantes qui martèlent la page.

Au terme du voyage, je découvrirai, un peu incrédule, quelquefois agacée, la silhouette d'un texte échevelé brossé par mon imagination.

Je ne m'y reconnaîtrai pas nécessairement, mais il portera toujours ma signature : celle du goût des mots.

 

 

Anne V, 25 septembre 2023

 

Le mystère de la page blanche

 

Me voilà, une fois de plus, devant cette maudite page.

Des idées ? J’en ai ! Peut-être même un peu trop.

Mais comment les transcrire sur ce papier blanc qui sera bientôt entièrement gribouillé.

Écrire cela ? Ne pas l’écrire ?

Je me questionne, je m’interroge, je bloque en pensant à la façon dont ce sera interprété.

Peur de blesser? D’être jugée? Ou de ne pas intéresser…

Je me force et me lance ce défi de: « Même pas cap ! »

Je vous regarde en train d’écrire :

Certains ont les yeux levés… Comme si l’inspiration venait d’en haut !

D’autres se tiennent la tête et semblent hésiter…

Je sais que chacun de vous aboutira à un texte qui m’enchantera.

J’avance doucement.

J’aimerais partager avec vous.

Je m’élance.

Mon stylo s’affole. « Stop. Tu vas trop vite. Je n’arrive plus à te suivre. »

La page se remplit.

Le vide se comble et l’inconnu devient connu.

Le brouillard se dissipe et ma retenue s’envole.

Le plaisir est là, qui ressemble presque à une addiction.

Je manque de vocabulaire, je rature, je réécris différemment, je me répète, je me disperse…

Comme dans un jeu de cache-cache, je cherche les mots et j’en trouve quelques-uns enfouis au

plus profond de ma mémoire.

Je me surprends.

Ça ne s’arrête pas. Je pourrais écrire infiniment…

Et d’une page blanche qui m’effrayait, je suis face à une page noircie, et une sensation de plénitude m’envahit.

J’apprends et je découvre.

 

Maria C, septembre 2023

 

Atelier d’écriture

Je me lance dans l’inconnu de l’atelier d’écriture ; écrire je sais, du moins je crois que je sais. Je l’ai fait souvent dans le cours de ma vie, dans les moments de tristesse, de joie.

Simplement poser les mots sur une feuille, les émotions, les rires, les larmes.

J’écris pour moi et parfois pour les autres.

Je laisse sur la page autrefois blanche ce qui m’encombre, m’empêche de dormir, ce qui fait ma joie…

Et puis j’écris pour les autres, pour leur dire ce que je n’ai pas pu ou su leur dire oralement. C’est plus facile, ou pas, de le poser et de le soumettre. Cela évite de se confronter au regard direct, au face à face, à ce que l’autre va inévitablement vous dire en retour.

Je pourrai aussi dire que parfois c’est comme une lâcheté de ne pas dire et de l’écrire, ou pas, puisque l’écriture reste et les paroles s’envolent.

L’écriture c’est la trace qui peut servir à ne pas oublier l’histoire d’une vie qui avec le temps risque bon-gré, mal-gré de s’effacer.

Oups, j’ai cru ne plus pouvoir m’arrêter d’écrire et puis plus rien…

Ce qui me vient à l’esprit c’est une vieille chanson qui a habité mon adolescence : « Soplaba un viento del sur y el hombre emprendio viaje… »,

« Il soufflait un vent du sud et l’homme entreprit son voyage ».

L’atelier d’écriture est sans doute pour moi le début d’un nouveau voyage.

 

Jean-Louis D, janvier 2024

 

Le surréalisme

 

Je marche devant moi et je me suis

Promeneur solitaire sur la plage désertée

Alexandrin abandonné sur la page blanche

Je cherche mes mots parmi tous mes maux étalés

Un escargot très habité

Inscrit sa trace sur le sable

A grands coups de bave

Comme il a l'air brave

Et pressé

Un cargo par l'horizon aspiré

Ecrit son destin

A grands jets de noire fumée

Sur la ligne d'horizon

D'une mer peinte à l'huile

Par un artiste halluciné

Jettera-t'il son ancre en Chine?

Mes pas m'ont précédé et se sont perdus

L’escargot dans sa hâte m’a semé

Sa trace s'est évanouie

Dans un ciel noir d'encre

Où un cargo s'est perdu à chiner

Alors Nita m'a dit

Il est l'heure de se réveiller

Retour à la réalité.

 

 

Michel C, septembre 2023

 

Timshel

 

Dans son roman « A l’Est d’Eden », John Steinbeck met en exergue un mot hébraïque, tiré de la Bible, dont il ponctue les instants décisifs : « Timshel ».

Traduction approchée : « Tu le peux ! »

Par ce mot, YAHVEH répond aux propos défaitistes trahissant les doutes, le découragement, et le manque de confiance en l’avenir, de son peuple.

Cette expression vaut encouragement : elle libère l’homme du poids excessif de la destinée, et engage sa responsabilité personnelle.

Dit autrement : notre vie est une page blanche.

Lorsque je décide d’écrire un nouveau chapitre, aux sens propre, ou figuré, je dispose pour l’avenir : je m’engage.

Mais cette liberté a une contrepartie : tout engagement comporte un prix.

La parole pèse. Mais le silence, plus encore…

A la fin du roman de Steinbeck, Cal assiste aux derniers moments de son père, sur son lit de mort.

Cal attend un mot, qui lui a été refusé, jusqu’à présent, et qui signifierait pardon, bénédiction,

confiance et amour.

Et son père, dans un dernier souffle, prononce « Timshel ».

« Mon fils, tu le peux »

 

 

Josette L, mars 2024

 

Grand-père saltimbanque

 

J'en vois un qui porte une lune noire sur son dos, alors que d'autres portent le soleil sur l'épaule comme elle disait Marie Noëlle… Mais… Que vois je ? Un soleil mal peigné qui, par sa simple présence, allège cette pyramide qui s' en va cahin-caha ;

Ô si tu savais…

Si tu savais, grand-père saltimbanque, on a tu ton existence ; mais tu règnes pourtant.

Tu es à la fois la lune noire et le soleil pour moi, juste pour moi ;

Ô si tu savais…

Je te le dis tout bas : je suis fière de toi, d' avoir osé cahin-caha être toi-même ?

D' avoir parlé à mon âme sans l' faire exprès ;

Tu as laissé derrière toi… tout un cortège qui voyage dans le ciel… volutes de lumière… invisibles

sauf pour moi ;

Ô si tu savais...

Les saltimbanques ? C'est nous, c' est nous !

 

 

Sylvie P février 2024

 

Tu as beau

 

tu as beau

tu as beau te dire que non

tu as beau faire semblant

tu as beau essayer de ne pas remarquer

comme si de rien n’était

tourner la tête de l’autre côté

cela continue de glisser

cela glisse d’une pente naturelle

qu’on ne peut arrêter

tu as beau vouloir qu’il en soit autrement

tu as beau dire si seulement

imperceptiblement

ce quelque chose que tu avais

t’échappe des mains

te glisse des doigts

qui ne peuvent retenir

 

 

Gérard B, mars 2024

 

Ainsi va la vie

 

Future Maman me faisait des caresses tout en me parlant gentiment.

Elle me racontait son attente. Futur Papa me parlait aussi et me faisait écouter de la musique. On allait prendre soin de moi. Je savais déjà que j’allais être le roi.

Allez j’y vais. Allons voir ces sujets.

Effectivement malgré mes pleurs, mes réveils nocturnes, mes couches sales, mes petites maladies et fièvres inexpliquées, j’étais le roi. Il suffisait que j’en rajoute un peu, quelques sourires et des babillements. Des premiers mots et quelques pas. Tout le monde me trouvait beau, mignon, génial. J’étais un roi avec sa couronne. Et j’avais Maman et sa peau douce. Et j’avais Papa avec sa grosse voix.

Mais assez rapidement vinrent les exigences, « fais pas ci, fais pas ça », mets pas les doigts dans le nez. Puis tiens-toi droit, dis bonjour à la dame, apprends tes leçons, mets la table. Maman était exigeante, Papa un peu moins mais grondait fort.

Je n’étais plus le roi, je devenais un roitelet.

A l’adolescence, cela virait à la crise. J’étais le roi, ils allaient voir ce qu’ils allaient voir. Ils ne comprenaient rien, ne m’écoutaient pas. Je dus recourir aux onomatopées, aux portes claquées, aux « c’est nul », « je ne veux pas y aller », « ça sert à rien ». Maman était facile à embrouiller, Papa il fallait se méfier.

J’étais le roi des emmerdeurs.

Vint la jeunesse. Je devins un courant d’air. Seul comptaient les sorties et les fêtes avec lescopains et les copines, les copines  surtout. Et à plus forte raison si les copines ne plaisaient pas à Maman. Papa lui appréciait.

J’étais un roi absent et en goguette.

Puis arriva l’âge adulte avec la fin des études supérieures et le premier emploi. Il n’y avait que l’âge qui était adulte. Pour les études, elles m’étaient supérieures et pour l’emploi c’était version« intermittent ». Les coups de fil aux parents étaient aussi en programme minimum, comme si le portable n’existait plus. Un appel de temps en temps, juste deux ou trois nouvelles mais surtout pour réclamer de quoi boucler les fins de mois. Avec Maman j’arrivais à gratter. Papa lui était inflexible, il fallait de bonnes raisons et beaucoup d’explications.

J’étais un roi impécunieux.

Les choses s’arrangèrent sans doute avec le mariage et le premier enfant. Je redécouvrais que j’avais des parents. Il fallait bien trouver quelqu’un de confiance pour le garder ce bébé et continuer à profiter de la vie. Maman adorait, Papa aussi mais ne le disait pas.

J’étais un roi reconnaissant. Un peu.

Du coup, bébé devint enfant puis ado puis jeune puis adulte. Tient cela me rappelait quelque chose ! Il devint même un homme. Mes parents vieillissaient. Les copains autour de qui s’était organisée ma jeunesse étaient encore là mais beaucoup moins nombreux. C’étaient plutôt des amis. De ceux que l’on compte sur les doigts d’une main, peut-être deux. J’étais devenu plus proche de Maman et Papa.

J’étais devenu un roi mature.

Puis je me rendis compte que mes parents n’étaient pas éternels. Que je ne le serais probablement pas. Je comprenais un peu ce qui se passait. Enfin. Maman et Papa me manquaient depuis qu’ils n’étaient plus là.

Je devenais un roi vieillissant.

Au final, seule ma famille était le véritable point d’encrage. Là où se trouve les bonheurs et les malheurs qui rythment  l’existence. Là où se trouve ceux qui écoutent, ceux qui comprennent, ceux qui aident, ceux qui comptent.

J’étais le roi d’un royaume que je découvrais tardivement.

Le royaume de ceux qui sont là, toujours là, malgré les circonstances. Un royaume où ceux qui ne sont plus là ont toujours une place. Une place silencieuse cachée au fond du cœur.

Maman et Papa me manquaient depuis qu’ils n’étaient plus là.

 

 

Annick S, avril 2024

 

La Dentelière

 

Elle est là, juste là. Entièrement présente et entièrement ailleurs. Ailleurs de quoi ? Du monde, de ses aléas, de ses diversions, de ses divertissements. Elle ne nous regarde pas, penchée sur quoi ? Un tissu, un coussin ? Quelque chose que nous ne voyons pas d’emblée, et pourtant...

Elle s’est levée le matin, s’est soigneusement habillée, coiffée, que rien ne vienne la gêner, la distraire pendant ce qui est son travail. Et elle s’est assise à sa table où tout est positionné à l’endroit exact, à l’exacte mesure. Autour d’elle, pas de décors, rien d’inutile. Pas de bruit non plus, pas de machine. Et moi, qui viens du tumulte, qui me trouve maintenant dans cette presque silencieuse salle du Louvre, je la regarde, je la contemple, fascinée. Elle m’apaise, plus que cela, elle me recentre. Je ne vois pas son visage, je suis son regard. Nous sommes seules, elle et moi, et dans ce long face à face, je m’aperçois qu’elle se tient dans un léger flouté. Ce n’est pas elle le centre du tableau, c’est ce fil ténu tendu entre ses mains, ce fil, seule netteté du tableau, le centre de son attention, de sa concentration à elle. Ce qui est le plus important, ce fil qui va devenir dentelle, et qui va embellir notre univers. Sa création, sa présence au monde. Et malgré ce qui devrait fortement marquer l’époque dans laquelle elle vit : sa coiffure, son vêtement, elle devient intemporelle.

Elle est dans une attitude de modestie rare, dans un vêtement noble sans doute, dont la couleur recherchée est signature du peintre, elle est le soleil du monde, en tout cas mon soleil.

 

 

Corinne F, 15 janvier 2024

 

La Gourmandise

 

Un rêve exquis et sirupeux qui revient chaque nuit

Une table bien mise regorgeant de délices et de caprices

Une débauche de pulpeuses gourmandises

De confiseries, de crèmes et de pâtisseries…

Une dame sage et bien élevée qui regarde, admire, ne touche à rien

Puis, peu à peu, des yeux trop grands qui désirent et qui chavirent

Des narines qui se dilatent, des papilles qui se délitent

La langue qui frémit, la salive qui jaillit…

Comment acquérir un tel trésor, se rendre maître des lieux, du jeu, des cieux?

Comment dérober la poule aux œufs d’or, avaler la pomme défendue ?

Croquer à belles dents amandes interdites et abricots prohibés ?

Comment s’emparer du butin sucré, des onctueux présents ?

Accumuler les exhalaisons, les senteurs, les parfums

Goûter les épices, les saveurs, les douceurs

Emporter le festin, fêter le destin

Tout garder pour soi, ne rien donner, ne jamais partager !

S’armer de courage, enrager, ne pas déroger, se gaver, dérober, entasser

Fourrer dans ses poches et ses paniers, farcir ses filets

Aspirer dans ses sacs et ses paquets, remplir ses boîtes et ses besaces

Consommer sur place et mourir de plaisir

 

 

Martine M, décembre 2023

 

L' amour fou

 

Perdre la tramontane en ne pensant qu'à vous,

Et porter à mon cou cette écharpe de soie qui me parle de vous...

Perdre le Nord à perdre la raison,

à perdre les saisons.

Et vivre dans la lune,

assoiffé de chimères et affamé d'Azur

« pelleter les nuages ».

Et semer des violettes en chantant pour des prunes.

Désirer vous poursuivre jusqu'au diable Vauvert

et te suivre en enfer.

Vouloir ignorer qu'il n'y a pas loin

du temps des cerises à l'été de la St Martin

Que la lune de miel a sa face cachée...

Mourir d'amour enfin !

Mais de mort lente .

 

 

François G, décembre 2023

 

Je t’ai rêvée !

J’en ai passé du temps à t’imaginer…

À t’espérer

À te chercher …

Un jour, je t’ai rencontrée, nous nous sommes rencontrés.

Dès le premier instant,

Ce fut le coup de foudre… surtout pour moi !

Tu étais là, face à moi

Face à mon imaginaire… mon rêve !

Tu m’attendais, peut-être

J’avais mon passé,

Tu avais le tien, il t’avait particulièrement marquée

Profondément marquée

De cette rencontre, de ce constat, je n’ai eu qu’un seul souhait, qu’un seul désir…

Réparer les stigmates du passé, de ton passé.

Nous en avons passé du temps ensemble,

Des bons, de très bons moments

D’autres, moins bons …

C’est aussi ça la vie !

Nous étions souvent loin l’un de l’autre

Très ou trop, c’était selon.

Les choses devenaient de plus en plus compliquées.

Tu ne le savais pas encore, mais il fallait que l’on se quitte !

Choix de raison certes …

Alors, je suis parti en te laissant là où tu as toujours été… Juste un peu plus belle…

Je ne t’oublie pas !!

 

Pour ma maison…

 

 

Jeanne C, mai 2024

 

Couleurs

 

Rouge, le sang qui coule dans mes veines, l’énergie, la vie,

Orange, la couleur chatoyante des fleurs d’automne,

Jaune, la lumière et la chaleur d’un soleil d’été,

Vert, la douceur d’une prairie au printemps, quand la nature renaît,

Bleu, le ciel d’azur, l’air que je respire, l’esprit calme et tranquille, l’âme sereine,

Violet, l’intuition, la lumière divine,

Tout comme l’arc en ciel nait d’un rayon de soleil après la pluie,

L’âme ne connaitrait pas l’arc en ciel si les yeux n’avaient pas de larmes pour pleurer.

 

Michel C, février 2024

 

Le Petit Chaperon rouge, revu, corrigé, censuré, et inclusif

Mauvais « genre »

 

Je constate qu’au jour d’aujourd’hui, Il n’est plus de conte anodin

Tout devient « fait de société »...

Le loup du conte de Perrault

est passible de la cour d’assises, non pour crime de sang aggravé, mais pour fornication

pédophile...

Nous sommes conviés à son lynchage.

(Rien de nouveau sous le soleil ! Du temps de Perrault, déjà l’échafaud suivait la cabale)

« L’enquête est en cours » parait-il... Un « quartier défavorisé » ?...

Une « famille monoparentale » ?

Et cetera, et cetera...

Mais voyons !

Le loup n’est pas une canaille, juste une bête affamée,

et sa proie, du destin, victime...

La morale « primitive » du conte,

je la prends au premier degré.

Principe de réalité oblige. Gardons-nous des « bons sentiments » !

Avec Pascal, je ne crois pas

que nous devons changer le monde, avant de nous changer nous-même.

 

 

Gérard B, novembre 2023

 

Le sentiment amoureux

 

Il se réveilla avec une impression bizarre.

Etait-ce l’excédent d’alcool de la veille. Non ! Habituellement il s’en sortait mieux que cela. Etait-ce ce rêve dans lequel il s’était retrouvé coincé en haut d’un toboggan.

Toboggan perché en haut de la tour Eiffel où il avait passé la soirée.

Les choses lui revenaient maintenant plus nettement. Coincé, il était coincé là-haut. Coincé mais aussi indécis et piégé sur la plateforme. Du côté échelle, une échelle immense, immense mais sans barreau.

Et le feu au bas de l’échelle. Du feu et des explosions. Une vraie fournaise.

C’était l’état actuel de son couple. Des orages, des cris et des crises, des ruptures, un véritable incendie devenu incontrôlable.

Il y entendait les appels au secours.

Du coté descente, un voluptueux nuage d’où n’émergeait que le début d’un toboggan sans fin.

Au loin et au-dessus de ce nuage, un visage lumineux, souriant qui lui évoquait une relation passionnée.

Passionnée, mais incontrôlable. Il y perdait ses repères, ses valeurs, tous les principes de son éducation. Il y entendait le chant des sirènes. Attrayant. Trop attrayant.

Il devait se sauver de là-haut, échapper à ce vertige qui le prenait. Il ne pouvait continuer à être le pyromane.

Son rêve prit fin lorsqu’il emprunta la barre de descente des pompiers.

 

 

Jean-Louis D, novembre 2023

 

À propos du sentiment amoureux...

 

Juste avant de prendre son téléphone

La petite voix se fit entendre...

Alors, tu veux ou tu veux pas?

Si tu veux, méfie toi

Descente dangereuse !

Des emmerdes, tu vas en avoir,

Et pas qu'un peu !

Souviens toi, il chantait, le grand Jacques

"Vas-y pas Gaston, mets-la en liste d'attente..."

Tu vas glisser dans le fleuve qui bouillonne...

Ta seule victoire est dans la fuite....

Souviens toi de ce qui c'est passé la dernière fois...

Jusqu'où t'a mené la dégringolade...

Dans le trente sixième dessous et bien pire...

Je ne vais pas avoir la cruauté

De te rappeler certains souvenirs

Allons, repose ton téléphone,

Ça vaudra peut-être mieux pour toi...

… Mais , si tu ne veux pas ,

Tu ne sais pas ce que tu perds...

Pas envie de connaître

Griserie et ivresse de l’inconnu

Ouvertures de portes sur un monde enivrant

Plaisir intense de l'attente

De l'être aimée et chérie ?

Le souffle puissant du sentiment de liberté

Qui gonfle tes poumons

D'un air si fort qu'il finit par te saouler

Tu refais le monde ,

Rencontres folles n'importe où n'importe quand

Tout est trop bon, cinés, restos ,

Gondoles à Venise, visite du Prado

Moules frites à Bruxelles

Mille lettres tous les jours

Le facteur est en burn-out...

....Alors , dis , vraiment...

T'y vas ou t'y vas pas...?

 

 

Martine M, novembre 2023

 

Au sommet du toboggan, se laisser glisser... ou non

 

Sur un marché d'été où, en principe, rien ne nous porte à des réflexions profondes, je découvre un Tshirt sur lequel s'affiche ce message floqué.

SI JE TOMBE AMOUREUSE

ASSOMMEZ MOI A COUPS DE PELLE

Une formule qui fait mouche… J'aurais aimé en être l'auteure.

Me voilà partie à gamberger sur cette requête .

Etre assommée à coups de pelle !... C'est radical, mais ça se défend, tant il est vrai qu'on est sacrément peinard quand on n'est pas amoureux !

Certes, on n'est pas dans l'exaltation. Pas l'ombre d'un papillon, ni dans le ventre ni ailleurs, mais on est peinard !

Ca laisse du temps pour tout le reste, et tout le reste, ça n'est pas rien. Libéré des tourments inhérents aux amours grandes ou modestes, on a tout loisir d'apprécier des tas detrucs tout simples, de trouver sa propre compagnie sympathique, ou au  moins de s'en contenter.

Loin des tumultes, on coule des jours sans ivresse et sans gloire mais sans soucis majeurs.

On peut donc raisonnablement souhaiter de ne pas se trouver dans ces zones de turbulences . De ne pas être perché tout en haut du fatidique toboggan. Et même, surtout, de n'avoir pas préalablement gravi les degrés de l'échelle qui y mène.

Mais voilà qu'on nous demande, dans ce douloureux exercice d'écriture, de choisir entre la glisse ou la redescente à reculons.

C'est biaisé, car on ne nous demande pas pourquoi diable on l'a montée cette échelle.

Pourquoi on a fait déjà la moitié du chemin...

 

 

Sylvie P, novembre 2023

 

les affres

 

sans agrafes

sans attaches

volante

comme une feuille

s’étiole et vacille

vent de panique

il n’y a plus rien

mais non, ce n’est rien

reviens

pointes au coeur

élan du coeur

issue de secours, partir ailleurs

cernes noires, encore un soir

tremblements, pourtant.

je ne veux pas

je n’ai jamais voulu

que ça

sous emprise, lâche prise

a coeur ouvert, planche de salut

c’est le retour

le plus bel amour, si doux, si tendre

à pierre se fendre

le lien ultime

qui fusionne, où l’illusion

donne la vie, ou te la prend

fait battre le sang

être la désirée

fuir et vouloir

s’approcher

s’abandonner sans craintes,

et puis monter la garde

et de sa meurtrière

surveiller l’ennemi

qui ne te veut que du bien

ou bien

celui, qui par ta crainte seule,

t’échappe, t’échappera

alors que tout était là

reviens, la petite chèvre de M. Seguin

alors encore une fois

il était une fois

 

 

François G, décembre 2023

 

Sacrée rencontre… sacrée galère !

Pas facile de résister à la tentation,

Oui bien sûr, il y a les nombreux interdits qui nous entourent…

La morale, la société, l’entourage, la transgression, et alors, c’est quoi cette force profonde qui nous pousse…

Ce fameux sentiment dit « amoureux » qui de façon plus ou moins universelle fait tourner le monde.

Et là, tu te retrouves comme un gosse au milieu d’un jardin public …

Adieu la peur, la crainte, inexorablement tu commences par monter les marches de ce toboggan..

Et puis, tu arrives au sommet. C’est haut, ça fait peur, mais l’envie est là !

Je me jette dans cette descente ou pas ?

Il n’est pas trop tard, je peux encore faire demi-tour, redescendre les marches..

A quoi bon !!

Elle m’attend !!

Alors, j’ose, je décide de descendre par le toboggan.

Au tout début de cette descente, tout n’est que plaisir, intensité des sentiments, attirance inexorable, selon l’expression !

Que du bonheur, ou presque.

Au fur et à mesure de cette descente si agréable, le plaisir s’estompe progressivement mais rapidement pour laisser place aux difficultés.

La vitesse commence à prendre le dessus et le contrôle devient difficile.

La situation devient irréversible, c’est la dégringolade assurée !

Il faut juste essayer de sauver sa peau avant de se casser la gueule…ça devient inévitable !

Trop tard…c’est fait !

 

 

Corinne F, décembre 2023

 

Pauvre Tigresse (Pantoum)

 

Au fond de ton lit, tu pleures, pauvre Tigresse

Embusquée, une jeune et arrogante rivale

Sans pitié, sans âme, une cruelle chasseresse

Vaincue, tu tombes tu décroches tu dévales

 

Embusquée, une jeune et arrogante rivale

Le soupçon te fait perdre toute dignité

Vaincue, tu tombes tu décroches tu dévales

Tu te sens menacée, tuée par l’infidélité

 

Le soupçon te fait perdre toute dignité

Tu cries ta flamme, tu hurles ta déraison

Tu te sens menacée, tuée par l’infidélité

La passion torture, tu en avales le poison

 

Tu cries ta flamme, tu hurles ta déraison

Ton jugement s’altère, tu deviens teigneuse

La passion torture, tu en avales le poison

Tu te ressaisis, engages le combat, hargneuse

 

Ton jugement s’altère, tu deviens teigneuse

Naïve et pathétique, tu étales ta détresse

Tu te ressaisis, engages le combat, hargneuse

Tu ploies soudain, tu succombes à ta tristesse

 

Naïve et pathétique, tu étales ta détresse

Rongée par la folie sans tendresse ni caresse

Tu ploies soudain, tu succombes à ta tristesse

Au fond de ton lit, tu pleures, pauvre Tigresse

 

 

Anne V, janvier 2024

 

La paresse

 

Cours, cours…

« Vas-y, mais vas-y donc!

Il faut, tu dois… »

Encore un peu, un peu de temps.

Je me lève.

Je marche, aussi rapide qu’un escargot.

Je me déplace, aussi lente qu’une limace.

Je procrastine, je retarde, je recule.

Je cherche une excuse, j’invente.

Trop de mouvements !

Mon corps s’active. Mon esprit s’active.

« Vas-y, mais vas-y donc!

Il faut, tu dois… »

Encore un peu, un peu de temps.

Je bouge et tu attends.

Je tourbillonne, je danse, je virevolte.

Telle une feuille d’automne au gré du vent:

À gauche, à droite.

Je brasse de l’air, je tourne en rond.

Je perds du temps, pour en gagner.

Mon corps s’active. Mon esprit se repose.

« Vas-y, mais vas-y donc! »

Je sais: « Il faut, je dois… »

Mais je n’ai pas envie.

Alors je m’évade, je m’attarde.

Je vole, je vole et puis m’envole.

Légère comme un papillon.

Je survole le temps et l’espace.

Mon cerveau s’égare, ma pensée vagabonde.

Mon corps se repose. Mon esprit s’active.

« Vas-y, mais vas-y donc! »

Je n’irai plus, je suis inerte, je ne bouge plus.

Tu n’attends plus.

Enfin le calme, enfin le repos.

Du temps pour moi, rien que pour moi.

« Il ne faut plus, je ne dois plus… »

Mon corps se repose. Mon esprit se repose.

J’ai tout le temps. L’éternité.

 

 

Maria C, octobre 2023

 

ÉCRIRE

 

Ecrire pour ne jamais oublier, laisser les traces du passé

Ecrire pour toujours exister, sans oublier les erreurs passées

Ecrire pour ne pas hurler ou hurler d’écrire

Ecrire pour ne jamais effacer ce qui devrait être écrit

à l’encre indélébile dans nos mémoires

Ecrire pour toujours explorer et ne pas cesser d’exister

Ecrire pour ne pas taire et dépasser la censure

Ecrire pour ne jamais mourir même au-delà et pour toujours

Ecrire pour toujours avancer et ne jamais s’oublier

Ecrire pour ne pas s’égarer au risque de se perdre

Ecrire tout simplement pour se sentir vivant.

 

 

Jean-Louis D, avril 2024

 

La dentellière.

 

Elle est bien prude la petite dentellière,

les yeux sagement baissés sur son ouvrage,

le geste précis et délicat.

Quelles folles pensées se bousculent derrière ce front en apparence si serein ?

En y regardant bien,

on peut deviner un discret empourprement des joues

qui peut laisser imaginer que les pensées les plus folles

se bousculent dans cette tête si gironde.

Est elle vraiment si sage la petite dentellière ?

 

 

Michel C, mai 2023

 

Eiréné (la paix)…

 

Un pilote aux commandes. Un cockpit, noyé de lumière.

Le bruit, et les vibrations parviennent un instant à distraire l’homme de ses pensées.

Puis il reprend son monologue intérieur ; « je suis un professionnel surentrainé. Je sais résister au stress. Je l’ai prouvé : j’ai été sélectionné parmi des centaines de concurrents… »

C’est vrai : il a été choisi pour réaliser l’action la plus démesurée jamais confiée à un pilote de bombardier…

Alors, il se concentre. Une fraction de seconde, même, il n’entend plus rien, seulement un silence de mort.

Puis il revient à la réalité, totalement lucide.

Le compte à rebours va commencer.

Le soleil est au zénith.

Au sol, quelques milliers de pieds sous l’avion, des myriades, des millions d’yeux captent le même soleil.

« Three, two, one… ».

Il se recueille un instant. Il prie, peut-être.

« Suis-je le bourreau, ou un super patriote ?... »

Dix soleils. Mille soleils.

Derrière ses lunettes teintées, il ressent un picotement.

Il met les gaz à fonds.

Le panache éblouissant s’élève dans le ciel, derrière l’avion.

Un silence de mort étreint la ville, en partant du point d’impact.

Il succède à la vague du feu, et des radiations mortelles…

 

 

François G, mars 2024

 

Les couleurs

 

A toi, le bleu pour ta discrétion, ton calme, ta raison….

A toi, le jaune pour ton infamie, la trahison…

A toi, le noir pour ton autorité, ton luxe, ton élégance…

A toi, le vert pour ton espoir, ta chance …

Et toi, le rouge, ton feu, ta passion…

Vous incarnez surtout,

L’Amitié

Le respect

L’excellence

Sans oublier l’égalité, le courage !

Tout simplement, les valeurs olympiques !

 

 

Christine H, mai 2024

 

Hissez les couleurs

 

Fiers de leurs uniformes,

Nos soldats revanchards

Partent joyeusement

Pour sauver la patrie.

Sanglés dans un drap rêche

Gris de fer et garance,

Cibles trop évidentes

De ce rouge clinquant,

On les camoufle en bleu,

Horizon paraît-il,

Terme plus poétique

Pour affronter sereins

L'obscur soleil de feu

Qui arase le front.

 

Des arbres squelettiques

Dressent leurs piloris

Pour clouer des gamins

Encore verts et naïfs.

Les barbes poivre et sel,

Zones grises de l'âme,

Dévorent les visages

Sidérés par l'horreur.

 

Les yeux cernés de mauve,

Ouverts sur la folie

Tentent de retrouver

Des souvenirs pastels

Alors qu'un sang grenat

Jaillit à gros bouillons

 

Brûlée par le magma

D'un orage anthracite

Une gerbe arc-en- ciel

Explose au firmament.

C'est le bouquet final,

Bouquet de couleurs mortes !

Pour la génération

Des sacrifiés de masse,

Éclatants d'innocence,

Il fait désormais noir.

 

Au fronton de la paix, leurs noms seront gravés.

Liberté bleu blanc rouge, ils t'ont tous honorée.

 

 

Nita LP,

 

BLEU …

 

Aux confins du temps et de l’espace,

j’avance dans un univers sans limites …

Entre naissance et mort, entre ici et ailleurs,

je ne me cherche plus

Dans mon infinitude, je sais qui je suis,

je sais où je vais :

Mystère humain, plus loin, plus haut,

toujours, vers ma faim d’absolu.

 

Face à la mer immense, sous le ciel limpide,

j’éprouve mon infinitude

Eclairée et confiante, j’explore la haute mer

Vaisseau aventurier, j’ai soif de conquêtes

Je vogue allègrement dans la sérénité

 

Entre ouate de nuages et cieux illimités,

j’éprouve mon infinitude

Je ne suis plus qu’esprit, en attente de lumière,

De constellations nouvelles, inexplorées encore

Je voyage, l’inconnu m’appelle, j’approche l’éternité

 

Sur la glace sans fin des contrées désertes,

j’éprouve mon infinitude

Là où, même l’horizon n’existe plus,

où banquise et ciel se confondent

Où l’éclat de lumière turquoise éblouit

jusqu’à l’aveuglement

Chercheur d’or effréné, je trouve mon trésor

 

Bleu infini du temps, Bleu illimité de l’espace

Bleu, tu me portes, tu m’emportes au-delà

de ma carcasse humaine

Bleu, tu m’évades, tu m’envoles, tu me fais pur esprit,

tu me fais âme libre

Bleu,

par toi j’accède à l’infini éternel

 

 

Corinne F, mai 2024

 

Noire

 

Elle était noire, très simple, tout à fait ravissante… Son existence se déroulait sans heurts, sous des cieux radieux…

Elle m’accompagnait partout, du matin au soir et du soir au matin. Dans la journée, elle trottinait de salles de cours en amphithéâtres, elle ne ménageait pas sa peine, face à un public jeune, plus ou moins attentif, plus ou moins concerné. A la bibliothèque, elle s’installait discrètement, ne gênant bien sûr aucun étudiant. Une vie ordinaire, sans tambour ni trompette. Dans les transports en commun, on ne la distinguait même pas. Elle se faufilait, cherchait une place assise ou bien proposait la sienne à une vieille dame. Douce et toujours prête à rendre service, l’amie idéale, celle dont on ne peut se passer !

Certains soirs, elle perdait un peu de son humilité, ne passait plus inaperçue, on la remarquait, elle devenait même brillante, scintillait, perchée sur de hauts talons et parée de bijoux. Une belle vie, la belle vie.

La malchance fit basculer sa destinée, un hasard funeste, une malencontreuse coïncidence, la pauvre petite robe noire croisa le chemin d’un berlingot de Javel.

Elle ne s’en remit jamais !

 

         

Annick S, mai 2024

Les couleurs

 

Un couturier allait chercher

Dans le jardin Majorelle

Les couleurs, les tons, les veloutés

Qui rendront les femmes plus belles

Dans mon jardin, dans mon domaine

Les couleurs dansent dans le vent

S’opposent, s’allient et s’aiment

Rageuses et colériques, ou bien sereinement

Bleu clair ou bleu marine

Rêverie divine ou sombre orage

Douceur de l’aubergine

Rouge d’une soudaine rage

Le vert, espérance du printemps renaissant

Le jaune, soleil voilé ou rayonnant

Le peintre aux aguets aiguise son oeil

Au bleu de la glycine lové dans le bronze des feuilles

Mes yeux aussi ont leur humeur

Et chaque jour cherche sa couleur

La rose rose ouverte aux heures matinales

La blanche marguerite fanée à la tombée vespérale

 

 

Josette L, mars 2024

Colère

Qu' y-t-il dans la colère ?

Une ferveur à l' état brut… un cri d' amour non entendu

Que sont donc nos colères ?

Des irruptions inopinées de cette ferveur qui est fureur…

Des avalanches, des niagaras, des cataractes,

Une puissance tombée du ciel, droit de naissance ;

Que ferons nous de ces clameurs ?

De ces bourrasques nouvelles nées, insupportables et braillardes ?

Car la colère est une guerrière

Au nom du vrai, son étendard fait de lumière

Elle veut être entendue, écoutée

Cheval sauvage sans cavalier

Qui donc pourra l'apprivoiser, l'humaniser ?

… Mais nous autres, bien sûr !

Pour qu'elle devienne avec amour, avec patience

Pour qu'elle devienne un jour prière ?

C' est une louve une messagère .

 

 

Jeanne C, mars 2024

 

Filiation

 

Mes mots sont tabous dans une famille où certains mots ne se prononcent pas,

Mes mots sont silencieux dans une famille où l’on ne m’entend pas,

Mes mots sont étouffés dans une famille bruyante et agitée, où l’on parle de tout sauf des

choses de la vie,

Mes mots sont une énigme s’ils expriment une émotion, qui suis-je pour oser ce que d’autres

s’interdisent ?

Mes mots sont un mystère s’ils expriment la compassion, perçue par d’autres comme une

faiblesse.

Mes mots sont parfois rejetés avec violence mais je ne m’y résigne pas.

 

 

Gérard B, mars 2024

 

La filiation, selon dessin de TOPOR

 

Il avait les épaules.

Il avait les épaules larges et fortes. Il avait les épaules d’un forçat.

Entouré d’assassins, il avait les épaules pour supporter ses origines fracassantes.

Cassé lui aussi par le bagne, il avait les épaules pour construire une famille

auprès de la femme qui l’aimait.

Père d’un fils chéri, il avait les épaules pour l’éduquer et retrouver une dignité.

Il avait les épaules.

Il avait les épaules mais haïssait les regards inquisiteurs.

 

 

Anne V, décembre 2023

 

« Les avocats sont-ils meilleurs mûrs ?

 

Pauvre petit avocat, trop pâle, à côté de ses frères sur sa branche généalogique.

Tous avocats, de père en fils.

Il était vert de peur à l’idée d’être mangé tout cru.

Il grandit, mûrit et se retrouva au milieu d’une grande boîte d’avocats.

Il en vit des vertes et des pas mûres.

Un jour, il fut appelé sur une affaire un peu juteuse, de guacamole… évidemment !

et un peu vert au travail, il accepta.

Comme il ne se pressait pas, l’affaire lui fut retirée au profit de son frère.

D’abord vert de jalousie, puis vert de rage,

il demanda le feu vert pour aller se mettre au vert.

Parti au diable vauvert, il découvrit avec stupeur qu’il avait la main verte,

et donnant naissance à deux petits avocats, il leur enseigna le métier.

Il attendit qu’on le rappelle et prit de la bouteille.

Puis il mûrit, mûrit à en devenir kaki.

Contrairement à certains de ses congénères,

il n’était pas pourri et malgré tout, encore un peu vert pour son âge.

Les avocats sont-ils meilleurs mûrs ?

La maturité s’acquiert au fil du temps.

Même s’il y en a pour tous les goûts, pour ma part, je les préfère à point.

 

 

 

 

Christine H, mai 2024

 

Vol de Nuit

 

L'autorité du noir éclabousse le monde !

Dans l'écrin de la nuit,

Drapé de noir puissant aux arômes boisés,

Je me sens invincible,

Boutant hors de ma vie tous les regrets enfouis,

Anthracite, argentés,

Un brin désargentés lors des soirs difficiles.

De noir en noir, je flotte,

Volant sous les radars du quotidien blessé.

La peur n'existe plus.

 

Immergé tout au fond d'une bulle de jais,

Protégé du néant

Par le noir absolu, celui des origines,

J'observe le silence

Dont l'écho retentit au son du noir cuivré,

Écaillant le vernis

De la nuit exemplaire, dans ses petits souliers.

Sur la pointe des pieds,

Elle ondule, me soudoie, et je reste éveillé.

Pas de deux enfiévré.

 

Plongé dans de la poix, je redeviens fossile,

Agrégé à la roche

Qui défiera le temps.

De noir en outrenoir, mon ombre s'évanouit

Sur les charbons ardents

Aux reflets orangés.

Le pépiement du jour viendra sonner le glas

Des splendeurs de l'ébène,

Encre de mes pensées.

 

Au petit matin frêle à peine réveillé,

La lactescence floue

Crachera de nouveau

La grisaille d'une ombre, lourde et bien malcommode,

Pour qui aime se lover

Au plus fort de l'intime

Sous le velours moiré, si doux et si racé

Des ailes enténébrées

De la nuit d'obsidienne.

 

 

Jeanne C, mars 2024

 

Petit être mystérieux

Je fus réveillée en pleine nuit avec une sensation étrange.

Il y avait une présence dans la pièce, quelque chose d’inhabituel.

Aucun signe visible dans cette profonde obscurité.

Mais la présence était là, tout près de moi, elle emplissait l’espace.

Tous mes sens étaient en éveil.

Enfin je me levais et allumais la lumière, il n’y avait rien.

Pas âme qui vive, pas un souffle, pas un bruit.

Pourtant la présence était toujours là.

J’allais éteindre la lumière lorsque j’aperçus mon reflet dans le miroir de la

chambre.

Quelle ne fut pas ma surprise de voir dans le miroir un petit ange sur mon épaule. !

Il me fit un clin d’œil et un sourire et disparut tout aussi mystérieusement.

 

 

Jean-Louis D, 2024

 

Jésus

 

Il franchît le portail à mon invite

par une belle après-midi de printemps

dont je profitais pour ravauder le jardin

avant l'arrivée des beaux jours.

"Bonjour me dit-il, je m'appelle Jésus

et je viens racheter vos péchés".

« Ah, ça tombe mal, vous voyez,

car je n'ai qu'un tout petit pêcher mignon

qui me donne des fruits délicieux

qui ne sont pas défendus

et il n'est pas à vendre.

J'ai bien quelques pommiers

mais ils ne sont pas à vendre non plus.

Quant aux choux je les ai paumés

dans des placements foireux

qui ne valaient pas une cerise

conseillés par un banquier véreux

à qui j'ai envoyé mon avocat

mais qui lui aussi était marron.

Enfin bref, vous voyez, mon pauvre Jésus,

Pour le rachat de mes pêchers,

vous pouvez mettre une croix dessus."

 

 

Martine M, juin 2024

 

Les deux bavardes

 

Telles des enfants dans un bac à sable, elles vivent en parallèle bien qu'étant face à face. Chacune a ses lubies, vaque à ses obsessions, s'enferme en expressions.

L'une a gardé ancré son statut de soignante et délaie à loisir ses souvenirs de gardes. Sa vie est une série : le lieu est l'hôpital, le temps est le passé, l'intrigue la maladie. Elle conjugue et développe jusqu'à plus soif une insipide histoire dont elle s'érige en centre du motif.

L'autre s'enivre d'organisation. Elle gère un quotidien comme on mène une armée, débite inlassable le déroulé des ses journées, entre lessives et rangements, placards et table à repasser. Se passionne-t-elle ou au contraire évacue-t-elle un ennui profond en le déversant sur une autre.

Elle s'étend, s'éternise.

En verra-t-on le bout ? Non bien sûr, c'est un éternel recommencement.

Aucune n'écoute l'autre et encore moins l'entend.

Elles se croisent, se posent là, se plantent dans le décor. L'une parle seringues,

on lui répond poêle à frire, et ça roule et ça s'enroule, et pendant ce temps on y échappe

avec un immense soulagement.

 

 

Annick S, juin 2024

 

J'ai pas les mots

 

Les plaisirs, les douleurs

Les émotions, les pleurs

Il faut longtemps chercher

Avant de les raconter

 

On ne vit que de mots-télé

De mots-journaux ou de publicité

C'est ça la communication

Pour le reste pas de modèle

Et difficile est l'expression

 

Lire dans les livres, soir après soir

Pouvoir se dire : ça, c'est pour moi

Et ça, c'est pas tout à fait ça.

Il y a des mots qui aident à trouver

C'est de ceux-là dont il faut s'occuper

Parce que notre émotion, notre chagrin

Notre rire et notre bonheur

Nous sommes uniques à les porter

Et à vouloir les partager

 

Toujours en-deçà de notre vouloir

Il faut, en quelque sorte, traverser le miroir.

Et quand les mots enfin arrivent

Fruits de veillées, de silence, de nuits blanches

Et quand les mots enfin délivrent

Et donnent à notre vie sa raison de vivre

L'âme plus légère et les yeux pétillants,

Nous dansons et dansons

Et fêtons les dimanches.

 

 

Nita LP

 

Parole confisquée

 

son regard fulmine et m’écrase

sa bouche s’aiguise et devient péremptoire

le tranchant de sa main coupe l’air

et rythme ses arguments

sa voix est maintenant blanche

aucune hésitation dans le ton

de plus en plus de fermeté

d’ impudente assurance

de sournoise argutie

d’entêtement aveugle

 

"puisque je le dis, tais-toi et écoute-moi !"

 

la parole se veut incontestable

pourtant la réalité est tangible

les mots fallacieux se heurtent aux faits indéniables

se mesurent, s’évaluent, protestent,

la perfidie se confronte à l’évidence,

la manipulation à la confiance

aucun droit de parler, alors ?

ai-je seulement celui de penser ?

 

chaos dans ma tête

confusion des sensations

malaise, meurtrissure

l’ouïe et la vue n’appartiennent plus à la même raison

que se passe-t-il ?

dissociation des sens, incohérence absolue,

que faire puisque je ne peux pas dire ?

l’évidence est manifeste

Je dois me taire pour qu’il ait raison

devant l’imposture, la vérité bâillonnée

le mensonge irrationnel à l’autre et à soi-même

rien à faire

 

je me tais

confiance bafouée

 

 

Gérard B, juin 2024

 

Parole confisquée

 

C’était un moulin à paroles.

Un moulin tournant trop vite.

Un moulin avalant des mots par sacs entiers.

Des sacs déversés en flux continu par une mâchoire en éternel mouvement.

Passés entre les meules, il nen restait quun galimatias incompréhensible, inaudible.

Un tamis à fin maillage naurait rien récupéré.

Epuisés, sonnés par le roulement bruyant et incessant,

on avait envie de jeter le meunier à la rivière

pour nentendre que la cascade deau.

Et retrouver la poésie du silence.

 

Parole

Il parle, il parle

aux murs croyant être entendu

à bâtons rompus sans être interrompu

Il parle, il parle car il voudrait être connu

Il parle, il parle encore

dans le vide comme un imbécile

à en devenir ivre la tête vide

Il parle, il parle car il voudrait vivre

Il parle, il parle encore

En solitaire avec de grands gestes

Devant un parterre imaginaire

Il parle, il parle mais na plus toute sa tête

 

 

Josette L, juin 2024

 

L’indicible

 

O que le silence est beau !

Il en dit plus que ces mots misérables tous incapables d' un envol...

L'envol ? C'est la danse qui transperce le ciel et qui perce les murs, qui fustige les prisons et de sa main touche l' horizon.

L'indicible il est là… dans un mouvement tout tremblant qui hésite et qui tranche soudain, plus éloquent qu'une parole…

Et même si je vous aime, vous, les mots, je vous trouve bien balourds, pour exprimer ce je-n'-sais-quoi, ce par-delà, les amours fous, jamais-toujours.

Ce qu’il vous manque ? C'est ce parfum de très grand prix, qu'une Madeleine déversa sans rien en dire ; le mouvement ondoyant de son corps, et cette danse où tout notre être, depuis dedans, il court dehors en grand silence...

Il emplit tout ; et l' indicible, il se respire, il illumine.

 

 

Christine H, décembre 2023

 

L’Ombre de tes Mains

 

Le printemps geint cette année-là

Sur un lied de Mahler

Il s'est défenestré

Chronique annoncée d'un à-venir sans saison

Longue route sinueuse, crispée

Les feux de l'espérance vacillent et pourtant

Le rêve de toi vient combler les ornières

Mes pas ne trébuchent plus

Tu me prends par la main, parfois

Dans l'huis clos du tourment

Torture de l'attente

Si menue, ta main nervurée s'envole

Diaphane apparition bouleversant mon destin

Piétiné par tes pas qui s'enlisent là-bas

Au bout du chemin blême

En aveugle, à main nue

J'éviscère l'angoisse palpitante et navrée

Dans un rai de lumière, mise en abyme des ombres

L'indicible capture sans y croire vraiment

La balbutiante beauté d'un ailleurs renaissant

Toi, émouvante, sacrée

Vivante, encore vivante

L'horizon assassin comme seule ligne de mire

Sans amarres, sans amour

La mer s'est disloquée

Immense désert abscons privé de tes mots doux

Dans mes mains de la cendre, le feu s'en est allé

De fièvre et de noirceur, mes nuits se contorsionnent

Reptation concentrique de l'animal blessé

Échoués sur un drap blanc, cruellement anonyme, deux frêles coquillages

Gisants de porcelaine sagement alignés

Le regard inaudible enclos sous mes paupières

Je te pleure

 

 

Nita LP, Janvier 2024

 

Nocturne

 

J’ai posé des fleurs à ma lèvre, arrimé d’algues mon regard

Pour mourir de ne pas mourir, j’ai fermé le jour et enjambé le chemin de mon rêve

Au silence d’un bras de mer, j’ai levé la grand-voile

 

Lorsqu’enfin le soir s’y dessine, si esseulée parmi les ruines, je m’égare dans la nuit sereine

Des nuées d’oiseaux de lune me portent sur la dune, oh ne m’éveillez pas :

Je vole, je rêve, balance et je chavire

 

Je nage, vogue et je me fonds

Les étoiles incrustées sous la chair, il me faut le sommeil pour sauver la lumière

Je rêve que je dors et rêve que je rêve, ils sont si tendres ces bras de mer,

Je m’y enroule, je m’y perds

 

Mon rêve est si profond et la dune est si blonde,

Ondoient au firmament des ailes de géant, leur envolée m’emporte

Et je vogue et je vire et je virevolte aux cieux près de l’ange gracieux

 

De mirage en chimère, il se met à neiger de grands oiseaux de mer

Les plumes des goélands emportées par le vent me bercent

Je tournoie dans l’élan et me noie dans le temps

 

De mon naufrage, je n’ai gardé que les bras de la mer, le souffle de l’orage et les rires du vent

Je rêve que je meurs, déjà je ne vis plus, oh ne m’effrayez pas :

La mort si douce, la brise si légère comme un soupir de l’ange

 

Je frissonne et je tremble, je tangue et je chancelle,

Je navigue à l’envi

Je vis blottie au creux de tous mes bras de mer