IMPRESSIONS
« Je suis entré dans le chagrin en poussant la porte de la saison froide.
C'est par les mots que vient l’hiver. » Jean-Michel Maulpoix, Le jardin sous la neige.
Nita Le pargneux
Ma cinquième saison
Je suis entrée dans la sérénité
en poussant la porte de ma cinquième saison.
C’est par la paix de l’âme que vient la plénitude.
À la cinquième saison, on s’épanouit. On s’ouvre, c’est une surprenante éclosion, une grande et nouvelle naissance. On a vécu, on a envie de vivre encore : intensément, passionnément, tendrement...
À la cinquième saison, on se sent débordant des richesses accumulées durant les quatre saisons déjà vécues. Je suis ivre des trésors de mon printemps, comblée des fruits de l’été, gorgée des saveurs d’automne, animée par la splendeur de mes hivers.
À la cinquième saison, je sais être tout à la fois : hiver, automne, été, printemps ... Je me reconnais dans la terre et le feu, l’air m’enivre, l’eau me lave de toutes mes tristesses. L’espace et le temps se fondent en épousailles éternelles, ma ligne d’horizon recule.
À la cinquième saison, mon paysage est toujours fertile : les fleurs de mes jardins sont tellement colorées et les oiseaux si bavards, les arbres croissent avec tant de force et les fruits y foisonnent. Dans des océans toujours mystérieux, je déploie des voiles riantes et porteuses. Mon voyage continue, se souvenant d’aubes naissantes dans des yeux enfiévrés.
À la cinquième saison, mes couleurs vibrent à l’unisson de la musique des flots ; le bleu du ciel embrasse celui de la mer, s’unit au pers de mes yeux pour m’aider à mieux voir, mieux regarder, mieux comprendre les êtres et les choses ... Il se diffuse en moi une symphonie irisée, diaprée de nacre et d’ambre.
À la cinquième saison, le temps n’est plus compté ou quand il l’est, c’est pour un devenir sans limites. Je ne cours plus, je me déplace à ma guise, flânant ici et là, errant dans mes nostalgies, vagabondant dans mes joies. Usant de chaque seconde pour aller au bout de mes désirs, je peux enfin me reconnaître.
À la cinquième saison, je suis submergée par des milliers de mots jusqu’alors inconnus qui disent les joies et les tristesses, les espoirs et les désillusions, les ruptures et les amours éternelles. Légère du poids d’une vie féconde, les regrets, les remords n’ont pas leur place, je peux exprimer le tout et le rien, le tangible comme l’indicible...
À la cinquième saison, mon regard sur la vie est plus accueillant, si douce ma présence au monde, respectueuse ma soif de partage... Et cependant toujours aussi ardente mon envie d’habiter la vie... J’ai encore tant de livres à lire !
À la cinquième saison, l’espoir est partout : dans la course des nuages, dans le regard du petit-enfant, dans le temps inaltérable, dans le sourire fidèle des amis, dans la présence des aimés perdus, dans les promesses crépusculaires...
À la cinquième saison, le désir vibre, le désir veut, le désir vit...
À la cinquième saison, épanoui, on s’ouvre.
Avec confiance, à un temps nouveau... Avec sérénité, à un ailleurs... On s’ouvre, à une autre dimension, une plénitude sublimée
Sylvie Berthuit-Paterson
Je suis entrée dans la joie
Je suis entrée dans la joie en traversant ce rideau de pluie,
Cette pluie chaude et abondante, comme les larmes que j’ai versées.
Je suis entrée en délivrance en me fondant à la mousson,
en quittant la cote de maille du guerrier toujours perdant.
A travers cette jungle, et sous les gouttes chaudes, mes bottes sont boueuses et mes bras blessés.
Ma pelisse trempée, mes yeux délavés.
Il faut tenir, couper, se frayer un chemin, chercher l’abri, prévenir, éviter.
Mon être entier sur le qui-vive entend, détecte, sent la présence de la bête qui se terre,
le serpent l’araignée, le fauve.
Je monte la garde et je m’épuise.
A la mousson, tombe la pluie.
Trempe, détrempe, macère, ramollit.
Le sol fume, les plantes se déploient, exhalent.
La pluie tombe à verse et je retiens mon souffle, cherche à éviter.
Je m’épuise, la pluie tombe à verse, incessante, sans merci, chaude sur mes yeux.
Je me laisse imbiber, absorber. Je me laisse inonder.
Je suis inondée, emplie de cette eau qui s’infiltre..
Je lâche, je me fonds, me confonds avec la feuille ruisselante,
la liane étrangleuse glisse sur moi,
les noeuds se défont, les muscles se détendent.
Mes veines deviennent sève, nervures et tiges de chlorophylle,
je suis végétal, humus qui suinte et dégorge. J
Je deviens l’éponge qui imbibe, dégorge et ruisselle.
Je glisse, humide dans la vase.
Je m’étale, je m ‘enfonce, me distends, me répands.
Les bribes de mon histoire relâchent leurs doigts crochus.
Les mots qui blessent se désintègrent.
Les épines, lacèrent, meurtrissent et ravivent ma chair.
Je me laisse envahir, dévorer.
Je laisse la nature se faire comme un ordre des choses que je ne maitrise plus.
Je m’abandonne aux pluies chaudes et humides.
Je ne cherche plus rien que sentir ce corps sans contours se dissoudre.
Je suis magma, parcelle infime et totale du grand délitement.
Je perds toute vanité.
Je pleure, me déverse et me vide.
Mon coeur, enfin, enfle, s’offre comme le nénuphar qui se déplie.
La peur se dissout, s’évapore.
Je ne suis plus, je suis
Martine Murail
J’ai rencontré le Lapin blanc, mais le temps n’était plus de mise.
Cette année là je devins plus légère, fantasque.
J’avais été si lourde de peine.
Je décidai de changer de maison ! Ma maison si attendue, si désirée, tant aimée, je l’abandonnai.
Cette année là je desserrai encore quelques freins.
L’argent fut fait pour être dépensé !
Un impensé jusqu’alors.
De fourmi je devins cigale : les volets bleus juste repeints, je les voulus verts.
Cette année là fut le prémice d’une autre année où la fantaisie prit le pas. Je grimpais aux échelles, escaladais les escabeaux et culbutais jusqu’en bas sans m’en soucier : la pesanteur ne devait plus peser.
Cette année en fit naître une autre qui précéda la suivante et en entraîna d’autres ...
Cet homme adoré cessa d’être mort.
Mais il manqua encore, d’une autre façon.
Avant je savais où le trouver, lui porter les fleurs de notre jardin, lui parler d’amour, le pleurer et lui promettre de le rejoindre bientôt.
Cette année là je ne sus où le chercher... ni quand l’attendre...
Il manquait à l’appel.
Comment pouvait-il me donner tant d’angoisse, lui si présent autrefois, si fidèle et si aimant. Une autre femme peut-être…
Cette année là... Je changeai de maison encore... pour une très grande, avec tant de chambres, des balcons, et des ascenseurs avec des miroirs. Dans ces miroirs je saluai chaque jour une amie chère qui avait les mêmes goûts que moi. C’était si drôle. Nos vêtements étaient identiques. Cette familiarité m’enchantait.
Cette année là et d’autres après elle, je parlais de ma fille ... à ma fille. Elles avaient le même prénom. C’est étrange le hasard... Mais ma fille, elle, n’était pas gentille : elle ne venait pas me voir.
Heureusement, il y avait toutes ces dames qui venaient si souvent. Elles étaient si aimables. Elles me mettaient de la musique et nous chantions ensemble quand je ne pleurais pas. Elles voulaient bien que j’aille voir mon grand père, mais toujours demain...
Je m’en irritais parfois. Parce qu’enfin je savais bien qu’il avait besoin de moi, mon pépé si doux , le seul à avoir embelli mon enfance...
Ces années là, je parlais aux oiseaux, aux chats et aux chiens. Je l’avais toujours fait. Ils me consolaient, mais j’avais peur pour eux. Je voyais bien qu’on les maltraitait, qu’on les laissait mourir de froid sur mon balcon. Je les entendais pleurer, même si on me disait que c’était le store de ma voisine qui grinçait lorsqu'elle le baissait..
Pourquoi me mentait- on ainsi ?
Me prenait-on pour une enfant ?
De joies factices en vraies angoisses, je continuai le chemin en compagnie du Lapin blanc...
Comment cela finit- il ?
Je ne sais plus
Christine Herbert
Saison d'Ailleurs
Sur un rafiot de fortune, bardé de tant d’années,
J'ai fui
Pour découvrir la saison d'ailleurs.
C'est par le rêve que l'on se sauve...
À la saison d'ailleurs, l'azur s'éclaircit.
On part pour un instant qui peut durer des heures.
On croise très au large des sentiers familiers.
On dérive vers le loin.
On ne distingue plus d'amer.
Demain existe-t-il ? On vient à en douter.
À la saison d'ailleurs, la houle attise les voiles.
En tête du grand mât, le temps est suspendu.
La nostalgie reflue en vaguelettes dociles.
On aspire la risée qui a chassé l'orage.
On sèche ses bleus à l'âme.
On entrepose ses larmes dans un recoin secret.
À la saison d'ailleurs,
Le souffle mortifère des jours grinçants s'envole.
L'atmosphère se charge d'une myriade de parfums.
On respire l'insolite, le beau et le sacré.
On respire la vie comme on voudrait qu'elle soit.
À la saison d'ailleurs,
on caresse le grain soyeux du songe.
On quitte le lourd ciré. Le corps peut s'exprimer.
On chaloupe sur les chants des marins en bordée.
On troque sa misère contre un peu de gaieté.
On touche du doigt des îles pour se pauser un peu.
Une douce chaleur faseye. Et on ne tremble plus.
À la saison d'ailleurs,
la corne de brume lâche parfois sa plainte.
On se bouche les oreilles. On ne veut plus entendre.
On jette par dessus bord les propos inaudibles.
On ne veut plus parler.
Pas de ça. Par pitié !
On s'abyme dans l'écume du silence.
La mer ne quémande pas d'explications.
À la saison d'ailleurs,
le goût de la vie change.
On s'en taille de grandes tranches. Il faut se rassasier.
On a été privé si longtemps de saveurs.
On se remplit de tout. La nourriture abonde.
Les forces nous reviennent et repu, on s'endort.
La Saison d'ailleurs ne figure nulle part.
Elle éclôt simplement en images colorées.
On grimpe sur le rafiot de l'imagination.
On convoque son secours pour franchir la passe.
On appareille enfin.
Pour solde de tout compte, on largue son passif.
On crie : « Bon Vent » au monde !
Gérard Bréal
Je suis entré dans le livre
En tournant les pages
C’est par les mots que surviennent les histoires
La page blanche, aurore d’un jour avant le lever du soleil, autorise toutes les audaces.
La page blanche, gouffre d’ignorance, intimide l’auteur. Il est tétanisé, en manque d’idée. Il mâchouille son stylo. Il le repose. Il se lève, fait quelques pas, se rassoit. Il reprend son stylo, le repose à nouveau. Il regarde le plafond ou par la fenêtre pensant y trouver l’inspiration. Son esprit s’éloigne, se perd, revient à lui. Une première idée germe, vite remplacée par une ou plusieurs autres. Enfin il trouve son personnage et son histoire.
La page blanche, estomac affamé, crie famine. Elle attend un signe. Elle attend des mots, bons ou beaux, des métaphores, des anaphores, des rimes, des litotes et bien plus encore. Elle accepte les couleurs, les sentiments, des hommes ou des femmes, beaux ou moches, gentils ou méchants. Elle veut bien des amours, des ruptures, des rires, des larmes, de la bonté, de la cruauté. Elle accepte les histoires vraies ou inventées, personnelles ou pas, gaies ou tristes. Elle veut bien une chute, attendue ou surprenante.
La page blanche, crie douleur, martyrisée par son maître. Elle accepte la première majuscule, le premier mot, la phrase d’introduction. Le premier paragraphe lui donnera peut-être une idée du sujet. Et puis, plus ou moins vite selon les hésitations de l’auteur, la page se noircit. Elle devra subir les phrases trop longues, les idées sans queue ni tête, les fautes. Elle subira aussi les ratures, les mots dans la marge, les flèches. Pire, elle pourrait endurer le martyr du chiffonnage et de la poubelle pour laisser la place à une page vierge.
La page blanche, mère porteuse, accouche enfin. Elle a réuni ses congénères et ses personnages, a organisé ses chapitres et ses pages, a ménagé son suspense ou a dévoilé son intrigue dès la première phrase. Elle se pare d’un titre permettant de se reconnaitre au milieu des autres écrits.
Les pages blanches, fières comme un paon, se livrent. Se livrent en roman, nouvelle, poésie. Et selon la volonté de l’auteur, iront chatouiller les oreilles de ses collègues de labeur ou resteront cachées au fond d’un cahier. Dans leurs rêves le plus fous, les pages blanches oseront le livre. Elle se présenteront sous leurs plus beaux atours. Une couverture colorée, une quatrième de couverture qui donne envie.
Les pages blanches opèrent leur mue, se livrent à une lumière incertaine, souhaitant ne pas finir dans le nuit profonde d’un tiroir.
Anne Vaujour
Je suis entrée dans la maturité
En poussant la porte de la belle saison.
C’est par le bourgeon que vient le printemps.
À la belle saison, bébé pousse son cri.
La nature se réveille encore emmitouflée sous son manteau moelleux. Un rayon de soleil fait son apparition. La neige fond de plaisir. À l’abri du jardin, le grand arbre fruitier dévoile sans pudeur toute sa nudité et des petits bourgeons s’empressent de le couvrir. L’éclosion de la vie. Le temps se fait léger. Le vent délicatement caressé les nuages pour laisser le passage aux oiseaux migrateurs qui viennent de si loin. Le ciel semble tout doux mais sommeille souvent.
Ah la belle saison ! La fin de l’innocence ?
À la belle saison, le bourgeon a grandi, des feuilles sont sorties encore frêles et fragiles et l’arbre à revêtu sa cape de velours. Pour mieux l’accompagner, le gazon s’est paré d’un dégradé de verts. La nuit laisse place au jour. Le ciel s’est réchauffé protégeant l’hirondelle qui cherche son chemin et laisse présager plein de petits bonheurs qui volent à tire-d’aile. Au bout de la clairière, les vaches et leurs petits se régalent de pousses vertes offrant à leurs papilles un éclat de fraîcheur. Le foin sec de l’hiver s’agite dans tous les sens. Les rats ou les souris, les lapins et le renard qui quitte sa tanière s’en donnent à cœur joie. Les oiseaux chantent à tue-tête. Les écureuils s’amusent. La vie est en mouvement. Il fait parfois frisquet et au fond de son nid, le petit oisillon retarde son premier vol, apeuré par ce bruit.
Ah la belle saison ! La fin de l’insouciance ?
À la belle saison, la nature se révolte et se croit si puissante. Les torrents sont en crue, les terrains gorgés d’eau. Les fleurs s’épanouissent sans un ordre précis. On frôle l’anarchie. Le temps est à l’orage. Des giboulées de larmes. Alors le tonnerre gronde tel une tronçonneuse qui déchire l’arc en ciel éparpillant autour une gerbe d’étincelles de toutes les couleurs, badigeonnant le sol d’un tapis bariolé. Un vrai feu d’artifice. L’explosion de la vie.
Ah la belle saison ! La fin de l’insolence ?
À la belle saison, le temps s’est apaisé. Le ciel s’est coiffé d’un foulard de coton. On rêve de ballades. Une envie de flâner nous sort du quotidien. Rien de plus merveilleux qu’un pique-nique champêtre. On dépose la nappe au dessus des tulipes prêtes à nous accueillir. Un parfum de saveurs. Un festin pour les sens, au milieu des abeilles en quête de nectar. Sous la lumière dorée d’un coucher de soleil, on pense aux lendemains, des projets pleins la tête, instants de confidences. Tous les petits jardins n’ont plus aucun secret. Et puis on se découvre. Oui mais pas trop quand même pour suivre le dicton. L’atmosphère est festive, vivante et conviviale. Une fois la nuit tombée, les fleurs se sont fermées. Le calme s’est installé, la vie reprend son cours.
Ah la belle saison ! Début de la raison ?
À la belle saison, c’est le temps des promesses, des bonnes résolutions. Prendre un nouveau départ et faire un grand ménage. Le ménage de printemps. Le temps est aux amours. Les couples sont formés. Le cerisier en fleurs s’est recouvert d’un voile. Ses demoiselles d’honneur, les roses du verger embaument de senteurs et brillent de mille feux. Un défilé de mode. Le vent est à la fête, les pétales s’envolent comme des papillons. Le tulle s’en est allé, le fruit est apparu croqué à pleines dents. Les oiseaux font leurs nids et couvent leurs petits. La nature s’équilibre et la vie s’organise. Le froid est derrière nous et la chaleur s’installe. La terre devient fertile et près du potager, au creux de sa maison, bébé pousse son cri.
Ah la belle saison ! Saison de l’espérance.
Jean-Louis Dupas
Je suis entré dans l'incertitude
en poussant la porte de l'église
c'est par les mots que vient le questionnement
Je suis entré dans le questionnement
en poussant la porte de l'école
c'est par les mots que vient le raisonnement
Je suis entré dans le raisonnement
en poussant la porte de la faculté
c'est par les mots que vient le doute
Je suis entré dans le doute
en poussant la porte de la liberté
c'est par les mots que vient la diversité
Je suis entré dans la diversité
en poussant la porte de la nature
c'est par les mots que vient l'universalité
Je suis entré dans l'universalité
en poussant la porte de l'université
c'est par les mots que vient la faculté
Je suis entré dans la faculté
en poussant la porte de la difficulté
c'est par les mots que vient le jeu
Je suis entré dans le jeu
en poussant la porte de la facilité
c'est par les mots que vient le hasard
Je suis entré dans le hasard
en poussant la porte de la certitude
c'est par les mots que vient la nécessité
Je suis entré dans la nécessité
en ouvrant la porte de l'univers
c'est par les mots qu'on finit par se paumer.
Annick Serci
La belle saison
A la belle saison, j’ai pris mes valises et j’ai choisi un nouveau lieu pour les poser. J’ai quitté la ville de ma vie qui m’avait donné tous ses trésors, à travers livres, vie et balades.
A la belle saison, j’ai voulu connaître l’autre côté du monde et écouter son chant, le côté des forêts et des rivières, des prés et des étangs.
A la belle saison, je me suis assise et j’ai regardé ma maison. Au fil des ans, je l’ai construite, de masure elle est devenue château. Je regarde portes et fenêtres ; selon les jours, selon mon humeur, j’en ouvre certaines, en ferme d’autres. Il m’arrive aussi de les claquer ou de les laisser entrouvertes.
A la belle saison, je me suis assise et j’ai regardé mon jardin. D’un désert aride et de quelques cailloux, j’ai cultivé une oasis, où arrosés de pleurs et de pluies, poussent fleurs et fruits, prunes et roses.
A la belle saison, j’ai du temps pour les enfants, j’ai du temps pour mon stylo, j’ai du temps pour mon piano, j’ai du temps pour mes rêveries.
A la belle saison, j’ai du temps pour m’approprier des mots que Virginia Woolf nous offre : «Mon bonheur est un couronnement. J’y pensais ce matin, alors que j’étais couchée, éveillée, calme et comblée comme si j’avais franchi les tourbillons du monde pour pénétrer dans une zone de calme d’un bleu profond où l’on pouvait vivre les yeux grands ouverts, au delà du mal, armé contre toute surprise. Jamais encore, de toute ma vie, je n’avais éprouvé ce sentiment, mais il m’est revenu plusieurs fois depuis que je l’ai découvert, avec l’impression de franchir un seuil et de rejeter un manteau.»
A la belle saison, je peux contempler les autres saisons, l’énergie du printemps, l’épanouissement de l’été, la poésie de l’automne, le feu de l’hiver.
A la belle saison, j’ai rencontré une autre vie, et je me suis agrandie. A la belle saison, je continue mon chemin.
Jeanne Crinon
Je suis entrée dans une nouvelle ère de ma vie,
En poussant derrière moi la porte du passé.
C’est en janvier qu’un vent de renouveau s’est levé.
En janvier, la neige tombait, le froid était saisissant,
la ville s'étendait sous un voile blanc immaculé,
En janvier, je me sentais prisonnière d’une relation étouffante, figée comme un lac gelé.
L’hiver glacial semblait refléter l’immobilité de ma vie, sans horizon, sans issue.
Pourtant, au creux de ce gel, je sentais poindre un changement inévitable.
Janvier portait déjà les promesses d’un bouleversement à venir,
En janvier, sous les flocons, je parcourais les rues enneigées,
en quête d’un abri, d’un refuge, imaginant un ailleurs.
En janvier, je savais, au fond de moi,
qu’avant la fonte des neiges,
je serais partie, libre.
Laurence Pellerin
Je suis entrée dans la vie,
En poussant la porte du printemps,
C’est par la lumière du printemps que vient le renouveau
La saison du renouveau, ce sont cinquante nuances de vert.
A la saison du renouveau, la nature s’éveille après des mois d’un sommeil lourd et froid. Dans les starting-blocks, contrariée d’avoir dû se résoudre à cette inactivité, elle se réchauffe aux premiers rayons du soleil. Fantasque, elle explose, symphonie de couleurs vives, feu d’artifice de senteurs. Les couleurs du printemps nous encouragent à accueillir de nouvelles perspectives. C’est une injonction à en finir enfin avec la léthargie hivernale !
A la saison du renouveau, la lumière du jour s’étire doucement et empiète sans violence mais inexorablement sur la nuit comme pour vouloir en chasser les pensées obscures.
A la saison du renouveau, la vie respire à plein poumon. Nous devenons pareils, aux oiseaux qui s’en donnent à cœur joint en sifflant, saisis par une envie irrésistible de chanter pour les accompagner. On contemple, on s’émeut, on jubile devant un brin d’herbe vert tendre, un cerisier en fleur ou des bourgeons qui éclatent libérant feuilles et fleurs.
La saison du renouveau, c’est un basculement rempli de promesses.
A la saison du renouveau, Les fenêtres s’ouvrent, les maisons s’aèrent, envie de légèreté. On range pour faire le vide dans son esprit.
A la saison du renouveau, Il est temps de faire ses valises et de repartir à l’aventure, nous aspirons à explorer, à découvrir. La vie revient avec une telle force que l’on s’en voudrait de ne pas répondre à cet appel si pressant !
A la saison du renouveau, hâtons-nous d’arpenter la vie en tenue colorée et d’un pas léger car la saison froide arrivera toujours trop tôt.
« A la fin d’une vie, une fois dépassés les interdits de jeunesse, on devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps ». Marguerite Duras.
CINQ PHOTOS DE MA VIE…
Viviane
Une Enfant de 5 ans environ, les pieds encrés dans la neige, le sourire aux lèvres, chaudement vêtue...
Dans les mains une boule de neige, prête à traverser l’espace qui me relie à mon Père derrière l’objectif.
Photo en noir et blanc ! Non en gris et blanc-sale.
Me voici, un peu boulotte, pas très souple au contraire des autres p’tits pensionnaires de notre nourrice, un visage et un corps de grand’mére ; chaque soir un bonbon « coquelicot », une douceur pour compenser l’absence. Baies d’aubépine, grains de blé, champs pentus, m’ont aidé à oublié. Oublier, cette pièce noire où seul un raie de lumière filtré.
Nous sommes 5, la salle est conçue pour 200 personnes. Mon pantalon « vert pistache » et mon haut « jaune poussin » affirment ma Maternité ; me voici unie par les liens du mariage.
l’Instant ne permet pas de photo, je suis, Nous sommes Tous en souffrance. Je crie, je ne sais plus, mais si longtemps et si fort.
Groupés sur cet « Instantané », nous formons un essaim souriant, grimaçant, incongru, agglutiné pour donner encore et toujours un sens à la vie .
Ce noir est brillant, le blanc lisse... et pur.
François Giol
Cinq histoires courtes…
C’est moi en bas âge,
Perché sur une chaise face au vide de la fenêtre ouverte.
Seul vague souvenir, l’ombre de la voisine qui se dessinait sur la façade d’en face au milieu de la nuit.
Elle me parlait pour ne pas que je tombe, j’avais déjà jeté mon cheval de bois dans le vide.
C’est encore moi,
Vers 6/7 ans, là encore perché sur une chaise pour montrer à mon père qui venait de rentrer du travail…mon nouvel ami…un poisson rouge.
Il s’appelait Nono !!
C’est moi qui là encore vers 9/10 ans prenais un « malin plaisir » à le jeter dans l’escalier du 3éme au 2éme étage, juste pour vérifier s’il retombait sur ses pattes.
Un jour, il est parti !
C’était Nono…c’était mon chat !
C’est moi, un peu plus tard..
J’aimais bien bricoler la mécanique…
Avec un cousin nous avions décidé de réparer un vieux Solex.
Toujours facile de démonter !
Un fois « entièrement » remonté, l’engin redonna signe de vie…pas pour longtemps, au bout de quelques dizaines de mètres, le moteur prit feu !!
Il nous restait une pleine caisse de pièces ??
Un dimanche pas tout à fait comme les autres …
J’étais avec mon père qui voulait me faire découvrir le monde du foot…bof !
En rentrant le soir, ma mère n’était plus à la maison.
La voisine nous annonça qu’elle était partie à l’hôpital.
J’étais triste et heureux…j’allais avoir un petit frère ou une petite sœur, je ne sais plus !!
Hélas, je resterai fils unique !
Françoise Waeselynck
Cinq autoportraits
J’étais un lac de pleurs après ma naissance, juillet finissant. Je connaissais déjà la mémoire des saisons vers leur fuite ultime.
J’étais où avant ? Dans la tête de mon père s’évadant du train pour échapper au régime nazi. Dans la tête de ma mère à bicyclette, chargée des messages et de la nourriture pour les résistants cachés dans les souterrains. Des matrices sombres.
J’étais si gentille à cinq ans, de nature aidante, pour adoucir le quotidien de tous. Au bonheur de la manivelle écrasant les grains de café a succédé le crissement de la plume sur les lignes du cahier. Le liquide noir infusait, le bleu s’égarait parfois en taches, comme autant de petits ruisseaux offerts à l’art abstrait. Sale, écrivait la maîtresse, en marge.
À quinze ans, cheveux au vent et yeux rieurs, le Cher offrait à mes mains des ondulations créatrices que je perturbais, imitant les sillons écumants du pédalo qui s’essoufflait de ma paresse, abandonnée à la caresse des éléments.
C’est moi, pinceaux et pigments étalés sur la palette de mon âme, le bleu se frayant de larges flaques pour distraire le jaune de son incroyable optimisme. Les rêves de la nuit voyagent en couleur, livrant un dernier combat avec l’ombre de la mort.
Gérard
Album photo
C’est moi, et mon rire tonitruant emplissant la chambre. Un rire émergeant de la couette où je me suis caché avant d’appeler papa et maman. Un rire matinal d’autant plus fort quand je vois la tête de papa ou maman, selon le plus courageux, les yeux mi-clos, obligé d’écourter leur nuit pour un réveil qu’ils jugent trop matinal. Je leur fais un gros câlin pour atténuer la mauvaise humeur.
C’est moi, les yeux pleins d’admiration, je fais un gros câlin à mes parents. Il faut voir leur tête, j’ai dû les réveiller très tôt ce matin, de mon rire tonitruant émergeant de la couette où je me suis caché. J’adore les mettre en pétard pour les avoir plus proche de moi. Mais ils adorent comme le prouve l’un de ces nombreux selfies.
C’est moi, noble chevalier de l’équipe des rouges. Faisant beaucoup plus que mon âge, je suis capable de battre les chevaliers bleus. Fort de ma cape colorée et de mon épée, protégé par mon casque et mon bouclier, je vais les terrasser. Pourvu qu’ils n’aient pas mal lorsqu’ils vont tomber.
C’est moi, sur un beau cheval blanc, noble chevalier de l’équipe des rouges. Faisant beaucoup plus que mon âge, je vais de battre les chevaliers bleus. Fort de ma cape colorée et de mon épée, protégé par mon casque et mon bouclier, je vais les terrasser. Le filet de poussière derrière mon destrier couvre mon bel habit rouge.
C’est moi, un sourire large comme le trottoir, vingt, trente, quarante mètres devant papou et mamou. En train de courir à gorge déployée. C’est trop drôle de les entendre crier attends, ne vas pas trop loin, attends-nous. Et de les voir se mettre à courir comme moi. C’est sûr, je vais encore gagner.
L’ART, MIROIR DE NOS ÉMOTIONS
Josette
L’art, c'est pour moi ce qui nous élève au dessus de nous même ; c' est l' au-delà comme un grand large . C'est quelque chose de mystérieux, d'indicible, qui voisine avec la mystique.
C'est ce lieu où nous réintégrons un espace originel, quelque ciel oublié… une beauté disparue dont il ne reste que quelques miettes. On se croyait perdu et voilà que tout redevient possible… mais… écoutez cette histoire :
« C'est au cours d'une répétition de danse très ordinaire que ce danseur sans l'faire exprès a jeté sur moi, sur nous, des étincelles et des coulées de lumière vive, comment le dire ?
Il a rallumé cette part universelle qui se réjouit, et de tout et de rien qui pétille.
Il a lancé sur nos épaules le voile de la mariée… »
Entendez-vous ?
La porte est ouverte, sors de ton chez toi trop calfeutré, envole toi et l’univers, il dansera en toi.
C'est la danse qui enjambe tous les décombres et les jours sombres, nous donne de rire où nous pleurions.
Et tout tout cela m'est arrivé un jour quelconque très ordinaire, cadeau d'un inconnu qui ne l' a jamais su .
Jean-Louis
Street-Art
Ainsi que Boris Vian affirmait : « l'humour est la politesse du désespoir », je dis que l'art peut maquiller la banalité voire de la laideur.
J'aime ces calligraphies aux milles formes et couleurs qui recouvrent les murs décrépis et hideux. Les paysages urbains sinistres défilent sous mes yeux hagards dans le train de banlieue bondé qui m'emmène au bout de nulle part. Un gorille énorme aux yeux exorbités et aux lèvres lippues rouge écarlate jaillit soudain de la bouche d'un tunnel. On appelle cela le street-art...
J'aime le coup de trait épuré tracé d'une main sûre et habile sur les parois obscures de la grotte qui en deux courbes fait revivre le bison déchainé.
J'aime la touche empâtée du pinceau de Toulouse-Lautrec qui m'invite dans ce bordel aux odeurs acres et couleurs crues.
J'aime les dessins en noir et blanc de Tardi des tranchées de 14-18 ruisselantes du sang de toute une génération fauchée en pleine jeunesse qui me prennent aux tripes.
L'art ici, essentiellement sous sa forme graphique me fait revivre et peut-être accepter une grande partie de la misère humaine en la repeignant de son vernis poétique.
texte.
Nita
L’atelier des émotions
L’espace est vaste et clair ; une large verrière en illumine le centre d’une lumière crue et intense, s’estompant en ombres plus ou moins diffuses dans les angles et les alcôves… L’air limpide et frais, l’atmosphère sereine à quelques exceptions près, sentent l’abrasion de la poussière de marbre, la térébenthine entêtante, une suave émanation de sueur propre. Mais on y respire surtout le désir, la création, le désir de création. Est-ce une ruche ? Chacun s’y affaire passionnément, absent au groupe mais si présent à l’oeuvre… Son oeuvre ! Chacun travaille ardemment, puisant au profond de lui-même l’émotion qu’il veut faire vivre, faire sortir d’un bloc de pierre, d’une toile vierge ou du brouhaha encore difforme de mots suspendus dans l’espace et le temps.
Au fond de l’atelier, des cahiers ouverts, attendent les mots qui, bientôt, les noirciront d’une encre fertile et souveraine ; un poète, stylo levé, le regard perdu dans l’espace de son rêve interroge l’expression, apprivoise la rime qui diront le coeur de son être, l’essence de sa foi, l'enrichissement de ses incertitudes… Ici, la vie se déchiffre sur le front, dans les yeux, sur les sourires émerveillés avant de se lire bientôt dans les phrases et les enchainements, doux à l’oreille, des extases lyriques.
Près de lui, mais dans un autre monde, c’est dans une souffrance suffocante que Jean de la Lune cherche les mots de l’indicible. Il aime, il a mal, son coeur saigne, il voudrait que ce sang couvre l’immaculé de la page, noie sa déchirure et qu’une coulée de lave bouillonnante écrive la flamme qui le dévore.
Il souffre, il attend l’écriture qui va, avec furie, le libérer de son emprisonnement.
Quand enfin, les mots arrivent à son esprit, sa plume les couche sur le papier, il ne la maitrise pas, elle règne ! Il la laisse aller et découvre alors toutes les émotions qui grondent en lui et qui s’écoulent maintenant comme une source vive. Peu à peu son être recouvre une liberté perdue, il nomme, il donne nom, il donne vie… Son esprit embrumé s’éclaircit doucement, délivré de ses chaines il respire à nouveau.
Près de la fenêtre, une prière va naître d’un bloc de marbre blanc de Carrare… L’homme souffle , il souffle d’un expiration si exaltée qu’elle en devient divine… Sa poitrine se gonfle, les muscles du bras se bandent et dans un ahanement presque bestial, il insuffle sa fougue et son génie au ciseau qui s’anime dans la virginité de la pierre. Il reprend haleine et réitère son geste, touché par la grâce : le sculpteur savait qu’un corps de femme vivait secrètement dans cette masse informe, implorant la vie et les hommes. Il la trouve, il la met au monde, elle vit, elle prie ce monde de l’écouter et surtout d’entendre sa douleur. L’homme exulte, il transmet son émotion, son bouleversement, il immortalise l’âme humaine dans sa sublimation.
Dans un geste bien différent, son voisin modèle une argile tiède et sensuelle… C’est dans une caresse à la terre qu’il fait naître la douceur des courbes, exprime la délicatesse de la peau… Ses doigts se souviennent, ses mains, enfiévrées de désir, étreignent la forme qui prend vie dans l’élan de son âme. L’homme est submergé de tendresse, dans l’offrande et la souplesse de la glaise humide, le temps n’existe plus, il a vingt ans, il se rappelle…
Face à son chevalet, un peintre barbu et roux, tremble devant une large toile blanche… Ses traits apeurés grimacent, comme un animal traqué, il est figé dans une posture d’affolement intérieur qui le paralyse… Il est presque effrayant de douleur sourde et asphyxiante…
Sa palette regorge de couleurs vives et violentes, comment va-t-il les poser sur la blancheur pure pour libérer son
angoisse ?
« Peindre, c’est tenter de rendre l’invisible visible », Vincent, tu en es mort ! Lui, qu’en fera-t-il ?
Il veut peindre ce qui vibre dans l’âme humaine, ce qui émeut. Alors il prend des couleurs ardentes, dessine des membres tordus, des troncs décharnés, des visages vides aux regards aveugles ; un sanglot sourd sort de ses pinceaux et prend forme sur la toile, c’est le cri muet de l’homme en marche vers sa mort.
Pourtant il faut vivre !
Alors, avec un bleu limpide, un jaune éblouissant , il esquisse un ciel clément, les rayons de lumière d’un soleil qui sourit… là-haut… pour sauver l’humanité.
Christine
La Femme qui pleure, Picasso
Quand les mots se terrent dévorés par l'angoisse, quand on triche jusqu'à la nausée pour préserver les apparences, quand on ne sait plus ni vivre, ni mourir, au-delà de la sidération, l'art a ce pouvoir magique de nous réconforter.
Très éloigné des conventions, sachant si bien parler à notre oreille parfois au mépris de toute bienséance, il console en silence.
En ce jour gris, mi-figue mi-raisin, le musée Picasso expose son opulente collection. Bousculée par une foule effervescente, un peu perdue, noyée par tant de représentations du monde, l'esprit absent, je déambule mécaniquement d'une œuvre à l'autre.
Pourtant, à l'écart du brouhaha, près d'une large fenêtre, je me fige, interdite. La Femme qui pleure est là, face à moi, à ma hauteur. Son regard m'éclabousse. Il perce mon secret. Elle, c'est moi, portrait d'une femme au visage déstructuré, reflet d' une violente tristesse. Une immédiate sororité s'installe.
Ce tableau raconte l'ensemble de ce que je n'ai pas pu, ni su dire : la vie fracassée par l'effroi, la lutte pour repousser et la peur et l'espoir, le chaos qui rend mutique, la déflagration mortifère.
La Femme devient l'incarnation du désespoir. Face et profil mêlés aux teintes vives trop crues basculent vers l'exsangue. Ses traits déformés par un lacis de lignes anguleuses, acérées, coupantes, enserrent sa bouche torturée, couleur de deuil, couleur de cendre. Ses doigts crispés agrippent un mouchoir dérisoire rempart contre les spasmes de la détresse.
Tout dans ce visage fracturé m'exhorte à arracher le masque du simulacre. Cette Femme plaide pour ma liberté. Longuement, je l'observe. J'écoute ce qu'elle me confie. Je comprends que je ne suis plus seule. Elle m'autorise à ne pas sourire. Portée par son regard lourd de larmes, je m'arroge le droit de crier ma vérité. Non, rien ne va. Non, je ne serai plus jamais heureuse, jamais plus comme avant. Cette sœur de combat allège mes épaules du poids des faux-semblants. Soulagée par cette dénonciation si juste de l'indicible, je me repose de moi-même.
J' accepte enfin d'exprimer la souffrance à laquelle je ne pouvais consentir.
La douleur universelle de La Femme qui pleure permet à la mienne d'être légitimée.
Anne
Le cri, Edvard Munch
Je suis puissant et fort!
Au début, j’étais un peu timide ou plutôt réservé.
Mais tous les jours, il me montrait ses œuvres d’art et j’absorbais comme une éponge l’intensité de ses émotions : sa tristesse, sa joie, sa mélancolie…
Je m’extasiais et me manifestais en regard de celles-ci.
Il ouvrait grand la bouche et du plus profond de ses entrailles, je surgissais.
J’étais de plus en plus guttural devant ses tableaux devenus terrifiants. J’avais pris de l’assurance. On m’entendait de loin, de très loin. J’en étais fier.
Ce jour-là fut différent.
Alors qu’il commençait à se boucher les oreilles.
J’aurais pu lui percer les tympans, tellement il m’avait transformé.
Je fus si violent que son cœur le « lâcha ». Sans doute une crise cardiaque.
La douleur et la peur provoquèrent un état de sidération et lui bloquèrent tous les muscles m’empêchant d’intervenir.
Malgré tous mes efforts, je fournis un hurlement muet.
Je n’étais pas frustré, mais simplement déçu qu’il me prive ainsi de ma liberté d’expression.
Quand il expira, pour toute consolation, j’ai eu le dernier mot :
Un petit râle si bref et si fugace qu’on ne m’entendît pas.
Je suis devenu silence.
Toujours puissant et fort!
Jean-Louis
Les mangeurs de pommes-de-terre,
Vincent Van Gogh
La lumière crue sculpte au burin
Les ombres et lumières
De ces visages marqués aux traits grossiers.
Le peintre use ici d'une palette étroite
Où dominent les couleurs terre
Rappelant par là l'essence même des personnages.
L'ambiance est créée par les nuances claires obscures de l'éclairage.
Du plafond descend une lampe à pétrole
Dont la lueur de la flamme,
Qu'on devine vacillante,
Rebondit sur l'abat jour métallique
Mettant ainsi en pleine lumière
Au centre de la scène :
Le plat de pommes de terre.
C'est ce même plat de pommes terre
Qui, à son tour, éclaire les visages
Des personnages présents,
Laissant deviner la vie dure de ces paysans,
Aux traits marqués, aux expressions muettes,
Mais semblant en dire tant.
On sent sans la toucher
La rugosité de la toile grossière
Dont sont faits leurs vêtements.
Nulle lumière ne parvient des fenêtres.
L'atmosphère suggère la pose du dîner du soir
Après une longue et dure journée de labeur.
Trois femmes ,dont une semble encore une enfant,
Et deux hommes, donc peut-être une famille,
Se partagent ce plat de pommes de terre,
Accompagné d'une tasse de café,
A moins que se ne soit qu'un vulgaire ersatz ,
Seul moment un peu réconfortant de la journée.
Certes, si Vincent Van Gogh devint par la suite
Le peintre de la couleur, et même des couleurs,
Possiblement sous l'impulsion de son frère Théo,
Il réussit, dans ce tableau des mangeurs de pommes de terre,
Avec une palette étroite et des couleurs sombres,
A nous faire ressentir les sentiments et émotions
De ces "gens de peu"
Autour de ce repas modeste mais partagé.
Sylvie Berthuit-Paterson
Les mangeurs de pommes-de-terre,
Vincent Van Gogh
Je me souviens des pommes de terre de VAN GOGH,
une ambiance sombre ,
dans la masure,
dans une intimité,
un lieu fermé, tableau aux couleurs sombres,
et pourtant réconfortant,
dans la masure,
la famille pauvre mange des pommes de terre fumantes.
Ils sont nourris, ils se nourrissent de la pomme de terre chaude,
et ils sont ensemble dans la vapeur de ces pommes de terre
sous la lueur d’une bougie ou d’une lanterne.
Sombres, noirs comme une ombre d’où sort la lumière.
La patate chaude à la bouche,
la lueur de la lanterne et nos corps fatigués après le labeur.
Le réconfort, nourris par la pomme de terre.
Nous sommes ensemble blottis, nos corps fatigués ,
nous sommes ensemble et nous mangeons.
Nous sommes intimes,
nous sommes chaleur,
nous nous tenons chaud ensemble.
La famille autour de cette table pauvre,
et nous sentons en nous le réconfort, après le labeur.
La masure est grise, noir le fusain,
et nous traversons le noir et le graillon
jusqu’à la vapeur de la pomme de terre chaude qui réchauffe et nourrit.
Le simple plat d’après le labeur,
et les corps fatigués réunis autour d’une table.
C’est la cérémonie.
Nous sommes animaux qui nous tenons chaud sous les durs climats, la condition.
Nous sommes instinct qui cherchons la chaleur de l’autre.
Nous sommes cueilleurs et mangeurs.
Nous survivons ensemble, nous somme tribu autour du feu de bois.
Nous nous tenons chaud.
Nous ne sommes qu’un.
Nous sommes d’une souche, enracinés ensemble,
Vivants sous la lumière chaude qui traverse le noir,
nous sommes doux sous notre peau noircie par le labeur,
nos mains tordues ont de la grâce.
Nos bouches mangent et nos corps sont vivants.
Dans l’espace noir et pauvre luit la force qui nous unit, une douceur.
La douceur d’un privilège ou d’un abandon.
Le repos, le mérite de la pomme de terre qu’on porte à sa bouche.
Chaque soir, ou chaque nuit, après le labeur.
Le corps nourri par la pomme de terre.
Le coeur réchauffé par la chaleur de l’autre.
La paix, la douceur un instant avant le coucher et l’oubli,
et demain, le recommencement.
Annick
Les mangeurs de pommes de terre,
Van Gogh
Les mangeurs de pommes de terre, Van Gogh
Il y a la misère, la misère noire, la misère de la vie, où la détresse
enferme chacun dans le mutisme. Où rien ne peut se manifester que le manque. Où la lumière, avare d’elle-même, éclaire à grand-peine des visages fermés. Où l’on sent que tout essai d’interrogation, d’échange (regardez les deux personnages de face) est voué à l’échec. La mère le sait bien, qui, à son âge, ne regarde plus personne, qui ne mange même plus, ou à peine, pour survivre, et sert à sa famille une mauvaise chicorée. Ils sont tous amaigris, le repas devrait être un moment de détente, au contraire, c’est un moment d’anxiété, de résignation, de perte d’espoir. L’un des personnages, la jeune femme, esquisse une interrogation. Mais non, ce sera toujours comme ça. Personne ne la regarde, il n’y a pas de réponse. Il est déjà surhumain de se maintenir en vie. Un instinct, sans doute, même pas une volonté, une fatalité inéluctable plutôt. Ce sera toujours comme ça. Ils ne feront rien pour mourir plus tôt que leur terme. Ils ne pensent sûrement pas qu’un suicide est possible. Le suicide, c’est pour les gens riches. Eux, ils ne pensent plus rien. Jour après jour, ils vivent ainsi. Il n’y a même plus de désespoir, le désespoir n’est là que quand il y a imagination d’autre chose. Un jour qu’ils ne choisiront pas, ils mourront, c’est ainsi que tout finit. Ils ne changeront rien, ils ne sont pas loin de la nuit.
Et pourtant, il y a là une petite fille. C’est elle l’interrogation du tableau,
l'interrogation de leur misère. Elle est de dos, elle est trop jeune, il faut attendre
encore un peu qu’elle grandisse. A travers ces ténèbres, arrivera-t-elle à se choisir
un avenir ? Où seulement à en vivre un ? Elle n’a pour toute richesse que son enfance,
à la fois force et fragilité. Les palais et les cathédrales lui donneront-elle de la volonté
contre son destin ? Ou bien l’écraseront- ils ?
On est dans la longue nuit du nord, Et un Cri est poussé. L’emblème du cri qui
anéantit d’angoisse la terre entière, qui interdit tout espoir. Un cri définitif.
Mais de cet avenir, il y a peut-être l’amour qui submerge, qui prend tout, qui
illumine la vie, lui donne couleur et reflets dorés. Mais sera-t-il lui aussi assez fort ?
L’amour, plus passager que la misère, souvent… Mais quelquefois qui fait des miracles ?
L’amour dans lequel on veut croire et qui pourtant est si rare ? L’amour, une illusion.
Souvent, mais, pas toujours…
L’amour après lequel on se retrouve souvent implorante et plus misérable
qu’avant, mais pas toujours…
L’amour, capitale de la douleur, mais pas toujours…
OÙ que l’on soit au bord du gouffre, est-il possible d’attendre la naissance du jour ?
Viviane
Les mangeurs de pommes de terre,
Vincent Van Gogh
Une pièce aux murs verdâtre, une lampe à huile les éclaire et les unis.
La mère harassée, verse une boisson pour chacun,
elle semble absente, c’est un geste de chaque jour.
Son compagnon aux cheveux blancs, traits burinés,
lui tend timidement son unique morceau de pain.
Sous cette coiffe blanche qui complète l’unique éclairage,
le visage d’une jeune femme,
ou la grâce est remplacée par la ferveur du regard vers ce jeun’homme,
que d’espoir, de questions sans lendemain!
Encore vêtu de son uniforme, il est absent, silencieux,
visage modelé par les réalités de la vie.
Les yeux demi-clos, il regarde sa mère,
mange pour ne pas répondre à leurs questions silencieuses.
Le plat de pomme de terre est discrètement présent,
une légère vapeur s’en échappe, auréole la fillette.
Elle est là, tout de noire vêtue,
c’est elle la clé de ce tableau,
difficile de la deviner,
garde-t-elle encore le visage doux de l’espoir,
pommettes rosies par le vent, regard brillant,
en silence, elle fredonne « ah , ca ira, ça ira »
Edvard Munch, Le cri
Regarde ! CE CRI ...
Corps tordu, mains sur les oreilles,
bouche béante dont il ne sort aucun son !
Attendu comme un accouchement,
ce silence hurle à mes oreilles.
nos yeux cherchent l’improbable secours de ces longues silhouettes,
hautaines dans la lumière du soir.
C’est l’image d’un cauchemar...
on ne peut crier, sa peur, ses tourments.
Jeanne
L’ART
L’art, tel un souffle de liberté,
Nous ouvre un espace sans frontières,
Là où l’imaginaire prend son envol,
Au-delà des murs du réel, il éclaire
Les chemins secrets de l’âme,
Voyageant sans fin dans le temps,
S’échappant des chaînes du tangible,
Pour découvrir des horizons nouveaux.
Il permet de dire l’indicible,
De conter l’invisible et l’impensable,
Les drames, les absurdités de la vie,
Afin de transcender notre fragile condition,
Et d’élever l’humain vers l’infini.
L’art, fenêtre ouverte sur l’âme,
Plonge dans l’inconscient collectif,
Dans un langage de symboles éternels,
Révélateurs des archétypes enfouis :
Le héros, la mère, l’ombre secrète,
Qui résonnent en chacun de nous,
Témoins d’une humanité partagée,
Au-delà de nos différences, unis.
Jeanne
DIALOGUE entre LE CRI de Munch et le MARCHEUR de Giacometti
Ne me vois-tu pas, moi, Le Cri de Munch ?
Je suis la peur, l’angoisse qui consume l’âme.
Je hurle, mais nul ne m’entend.
Ne vois-tu pas ? Le ciel saigne, la terre vacille,
Le monde se dissout et moi, je sombre dans l’abîme.
Regarde-moi, je suis L’Homme qui marche de Giacometti.
Vois mon corps frêle, ma silhouette étirée par le temps.
moi aussi, j’ai hurlé ma douleur et vu le monde s’effondrer sous mes pieds,
Regarde moi, j’ai décidé d’avancer.
vois comme mes pas résonnent dans l’éternité,
Parce qu’exister, c’est ne jamais cesser d’avancer.
Michel
« J’ai ressenti…»
J’ai ressenti une émotion artistique en peignant des aquarelles.
La difficulté de l’aquarelle en rebute plus d’un.
Sur le plan technique, doivent s’acquérir de nombreuses compétences, et notamment dans la composition
des couleurs (« synthèse additive »), et le respect des lois du déplacemrnt de l’eau sur une surface plus ou
moins perméable.
Des compétences nécessaires, mais non suffisantes.
La « valeur ajoutée » s’appelle au hasard, chance, ou inspiration (souvenons-nous du mot d’Einstein :
« 5% d’inspitation pour 95% de transpiration »).
Un « je-ne-sais-quoi » enfin, dont résulte l’oeuvre fidèle, juste, et pertinente.
J’ai bien souvent gribouillé des aquarelles, en m’efforçant de respecter les leçons apprises « par cœur » :
esquisse au crayon des lignes de fuite, et de force, apport d’eau, masquage, puis couleurs, retrait du
surplus, séchage naturel, ou artificiel, puis, à nouveau re-mouillage, re-couleur, etc…
La plupart du temps je n’atteignais qu’un état de satisfaction tout juste moyen.
Et puis, parfois, je ressentai une vague de jubilation, l’oubli du doute, et de ce que le travail suppose
d’efforts.
Et (surtout), je lisais de la complicité dans le regard de mon juge, qu’il soit « qualifié » ou « profane ».
5% d’inspitation pour 95% de transpiration »).
Un « je-ne-sais-quoi » enfin, dont résulte l’oeuvre fidèle, juste, et pertinente.
J’ai bien souvent gribouillé des aquarelles, en m’efforçant de respecter les leçons apprises « par cœur » :
esquisse au crayon des lignes de fuite, et de force, apport d’eau, masquage, puis couleurs, retrait du
surplus, séchage naturel, ou artificiel, puis, à nouveau re-mouillage, re-couleur, etc…
La plupart du temps je n’atteignais qu’un état de satisfaction tout juste moyen.
Et puis, parfois, je ressentai une vague de jubilation, l’oubli du doute, et de ce que le travail suppose
d’efforts.
Et (surtout), je lisais de la complicité dans le regard de mon juge, qu’il soit « qualifié » ou « profane ».
François
Chapeau l'artiste !
A la base, il n’était pas vraiment un artiste.. Tout juste sensible aux belles choses.
Pour être un artiste, il faut du travail, beaucoup de travail et plus encore, mais pas que !
Seul, le travail ne suffit pas, il faut je pense autre chose, un truc en plus, le don.
- Virtuose, prodige pour la musique. Exemple de jeunes enfants maitrisant parfaitement un instrument (avec ou sans l’acquisition du solfège d’ailleurs).
Idem pour la peinture, le dessin, la sculpture.
Sans oublier l’écriture bien évidemment!
Pour lui, le travail ne représentait qu’une partie de la réalisation.
Une fois que nous faisons ce constat, nous n’avons pas dit grand-chose d’ailleurs.
Fort de ces éléments, il avait essayé de se rapprocher de ce monde quasiment inconnu.
Autrefois, il avait appris à réaliser différents sujets, différents thèmes à partir de la technique de la gravure sur métal (les eaux fortes).
Les principaux sujets étaient surtout la représentation des métiers
d’autrefois.
Je pense particulièrement à de vieilles gravures en bois du moyen âge.
-Des vieux bateaux
-Différentes gravures religieuses
-Différents attelages etc..
A défaut d’être de l’art, ces réalisations étaient plus proches de l’artisanat d’art.
L’absence de don particulier était compensée par une recherche esthétique, de précision, de méticulosité.
Seul moyen je pense, pour susciter une émotion. Seul l’artiste peut provoquer une telle réaction….
A partir d’un modèle dessiné sur une plaque de cuivre, protégée par un vernis spécial, cette plaque était immergée dans un bain d’acide.
En fonction du temps passé, de la température, de la concentration, les résultats pouvaient être très différents.
Suivant l’effet recherché, l’utilisation de différents vernis permettaient de finaliser les sujets.
« La beauté est dans le regard de l’autre » ! (Jean Philippe Hébert)
Moi aussi j’étais un artiste
SOUVENIRS IMPRESSIONNISTES
Josette
Je me souviens d'un vaisselier où chaque assiette resplendissait comme une oeuvre d'art, et de l'armoire monumentale qui grince, qui grince… est-ce qu’elle grince encore ? Où êtes-vous ? Et vous la bergère et le ramoneur… Êtes-vous toujours sur la cheminée ? Qu' a-t-on fait de vous ? Est-ce mon imagination qui vous a ré-inventés ? Je crois que non.
C'est au grenier qu'il fallait aller ; enfants, on nous l'interdisait car il manquait une marche à l’escalier… Raison de plus pour jouer les aventuriers dans la pénombre, évidemment .
J'ai toujours en moi la vision d'un chapelet en boules de nèfles jamais retrouvé avec cette envie furieuse de m'y agripper, pour continuer quelque prière interrompue et restée suspendue dans les airs.
Je pense à ces édredons comme à des nuages rouge foncé dignes de Rabelais et puis surtout à cette couronne de mariée sous son globe de verre, petit sanctuaire, chose intouchable.
Il me reste de tout cela une sorte d'aura de monde secret, de mystère… une joie douce amère... je ne sais pas pourquoi… ou plutôt si je le sais.
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme, disait le poète, et la force d’aimer ? "
Jacques
Longtemps, je me suis couché de bonne heure.
Mais ce soir-là, l’insomnie m’avait un peu pris en traître. Je me levai et, parcourant la bibliothèque mes doigts effleurèrent l’étagère où dormaient quelques disques anciens., j’en sortis un à la pochette abimée par le temps, c’était le premier microsillon que nous avions acheté dans les années soixante je plaçai sur la platine le disque vinyle . Un craquement léger, puis un grésillement me rappela l’ de ce microsillon puis un court silence se produisit avant que les premières notes ne s’élèvent.
À cet instant précis, un frisson me traversa. La Pastorale…
Je n’y avais pas trop pensé depuis des années. Pourtant, dès les premiers accords, quelque chose me pénétra. Ce n’était pas seulement de la musique que j’écoutais : c’était une clé tournant lentement dans la serrure d’une porte oubliée. Une porte qui dans le noir ouvrait, me précipitant dans ma jeunesse.
La lumière crue de la pièce s’effaça, remplacée par une douce clarté estivale. Je n’étais plus là, assis, mais dans un pré immense baigné de soleil. Une brise légère faisait danser les hautes herbes, e calme de la campagne invoquant les douces mœurs des bergers . Et l’odeur de la terre humide après l’orage montait jusqu’à moi. J’entendais, derrière la musique, le chant d’un ruisseau serpentant entre les rochers moussus tout ceci me rappela la phrase de Berlioz la 6 un étonnant paysage composé par Poussin et dessiné par Michel ange
C’était l’été de mon enfance.
À cette époque, chaque matin de vacances, mon frère ainé ouvrait les volets en sifflotant ce même air de Beethoven. Il avait ce don de faire exister la musique même sans instrument. Il aimait la nature et prétendait que la Sixième Symphonie était le plus beau tableau sonore jamais peint.
Je revois la vieille radio posée sur la table en bois, ses grésillements charmants accompagnant les premiers mouvements de l’orchestre. Ma mère versait du café fumant dans une tasse ébréchée pendant que je trempais un morceau de pain dans mon chocolat chaud. « Écoute bien, me disait-elle, on y entend la rivière, les oiseaux, le tonnerre au loin. Beethoven a tout mis là-dedans, comme un poète. »
Et moi, du haut de mes dix ans, je fermais les yeux et essayais d’entendre ce qu’il entendait.
Aujourd’hui, en laissant la musique m’envahir, je ne fais plus d’effort. Tout revient naturellement. Les matins insouciants, les promenades à travers champs, les après-midis passés à courir pieds nus dans l’herbe. Même l’orage du quatrième mouvement réveille en moi un souvenir précis : celui d’un soir où nous avions dû mes copains et moi nous réfugier dans une grange, riant sous la pluie battante
Je suis revenu. Un instant, je suis cet enfant, insouciant. La musique me rend ce que j’avais perdu, ce que le temps avait enfoui sous des couches de réalités successives.
Puis le dernier mouvement commence, et c’est comme un sourire dans le vent, un retour au calme, une paix retrouvée. L’orage est passé. Je rouvre les yeux, mais je ne suis plus tout à fait le même.
La symphonie touche à sa fin, le sillon du vinyle continue de tourner doucement. Le silence revient. Mais en moi, quelque chose résonne encore.
Et je comprends que je viens de retrouver une partie de de moi-même.
Laurence
L’ile d’Oléron
Je me tiens devant un chemin sinuant à travers une pinède, long ruban étroit et sablonneux, chemin maintes fois emprunté de nombreuses années auparavant.
L’odeur forte de l’élichryse réchauffée par un soleil d’été, mêlée à l’odeur des pins me grise. Ces parfums m’entraînent vers des souvenirs heureux d’étés passés. J’ai à nouveau 10 ans.
La longue file familiale, joyeuse et indisciplinée que nous formons qui serpente jusqu’à la mer. Le sable qui nous brûle la plante des pieds quand nous atteignons enfin la plage promise.
De nos campements provisoires sur la plage, de nos jeux d’enfants, de ces journées de complète liberté qu’en reste t’il ? quelques photos aux couleurs déjà fanées d’un temps trop vite passé. Celui de l’enfance insouciante où tout semble être éternel et immuable… La vie file comme le sable entre les doigts.
Les enfants ont vieilli, des personnes chères sont parties. Même, les lieux ne sont pas intemporels, ce sentier et cette plage ne sont plus tout à fait les mêmes, redessinés par les éléments. Des tempêtes ont déraciné des pins et emporté avec nos rires et joies d’enfants.
De ces lieux, seul persiste et persistera encore et encore le parfum immortel de l’élichryse.
Martine
Le cartable
Il s’appelait Roger.
C’était " un enfant de l’Assistance" . C’est ainsi que nous le désignions, nous, les enfants gâtés, nous qui avions une famille, une maison, une reconnaissance dans le village.
Lui, son prénom même était anachronique.
Parmi les Jean-Luc et les Thierry de notre classe, il avait un prénom de vieux.
Nommé par défaut...
Il portait tous les stigmates de son état : des habits usés d’avoir été portés par d’autres, des cheveux coupés à la serpe, des lunettes informes.
Nous avions tous entre quatre et six ans. Lui n’avait pas d’âge.
C’était Roger.
Nous ne lui faisions pas de mal, nous n’étions pas méchants . Mais notre assurance d’enfants reconnus ne nous permettait pas de l’inscrire dans notre monde.
Cette injustice fondamentale nous semblait L’ordre des choses.
C’était Roger.
Il était à une autre place.
Bien sûr, il n’avait pas de cartable.
Un jour, notre maîtresse lui en offrit un . Un vrai cartable. Neuf.
Cet objet banal , commun, fit de Roger un enfant.
Et révolutionna ma vision des Choses établies.
Jeanne
Réminiscence
Les derniers reflets du jour s’effaçaient doucement, la chaleur s’évanouissait tandis que la
fraîcheur du soir caressait mon visage. Je levai les yeux vers le ciel et me laissait imprégnée
par l’atmosphère de la nuit naissante. Ce moment magique où l’obscurité s’avance effaçant
peu à peu la lumière du jour. Les étoiles, discrètes et mystérieuses, commençaient à scintiller.
Elles semblaient infiniment proche et pourtant si lointaines.
La nuit étoilée éveillait en moi les souvenirs de mon enfance et m’enveloppait d’une douce
nostalgie. Je me revoyais, enfant, dans le jardin de ma grand-mère à l’Ile d’Oléron. Ma mère
nous emmenait dehors. Là, dans ce silence vibrant, le temps était suspendu. Elle levait le doigt
vers le ciel et nous montrait les étoiles. Elle connaissait leurs noms : la Grande Ourse
dessinant un chariot ou une grande casserole suivant les mythes, et là Pégase, le cheval ailé,
puis Orion les 3 étoiles alignées dessinant la ceinture du chasseur et l’Etoile Polaire qui
guidait les marins en mer. Chaque étoile avait une histoire, une place dans les légendes qu’elle
murmurait, comme si le ciel était un livre ouvert qu’elle seule savait lire. « Regarde, me
disait-elle, elles sont toujours là. Elles étaient là avant nous, et elles resteront bien après. »
« Tu comprends, n’est-ce pas ? Ce que tu vois là-haut, c’est plus grand que tout. » « quoi qu’il
advienne, ces lumières continueront de briller. » J’étais émerveillée par les mots poétiques et
le scintillement des astres. C’est là que j’ai appris à aimer le mystère, à trouver dans l’inconnu
une invitation à rêver.
Parfois, ma mère évoquait les souvenirs de son enfance. La nuit, en secret, elle grimpait sur le
toit avec ses frères et sœurs. Ce qu’ils percevaient alors comme un immense feu d’artifice,
fascinant et spectaculaire dans leur regard d’enfants empreint d’innocence, n’était en réalité
que les bombardements allemands durant la guerre. À leurs yeux, c’était un spectacle à la fois
magique et irréel.
Il suffit d’un regard vers une nuit étoilée pour que les souvenirs m’envahissent. Je retrouve le
jardin de mon enfance, ce lieu qui, à mes yeux d’enfant, semblait être le centre de l’univers.
Alors, pour un instant, je redeviens cet enfant qui regarde les étoiles sans chercher à
comprendre, seulement à ressentir. Les étoiles sont à la fois passé et présent, souvenir et
promesse. Les nuits étoilées ont ce pouvoir étrange : elles ne changent jamais, mais elles nous
changent, nous, à chaque fois qu’on les contemple.
Anne
Madeleine de Proust : Noël, une fête de famille.
J'ai longtemps cru que je n'aimais pas cette journée remplie de « Trop de... ».
Trop de : Préparatifs, agitations, attentes, obligations...
Cette année, nous ne passerons pas Noël en famille et cela me convient.
Installée dans mon fauteuil, j'envoie mes traditionnels textos en grignotant un chocolat.
Je le croque rapidement et soudainement, le goût me projette face au mur blanc de l'infirmerie. J'observe le petit sapin synthétique recouvert de neige carbonique sur lequel nous avions accroché notre père Noël fabriqué avec du coton et de l'éosine. J'entends les sonnettes d'appel résonner comme des petites clochettes et devine un refrain de chants de Noël. Je sens l'odeur d'eau de javel mélangée à celle de notre repas abandonné au four, qu'une fois de plus, nous n'aurons pas le temps de manger.
Je repense à notre complicité, nos fou-rires, l'échange de petits cadeaux, le plaisir d'offrir et celui de recevoir. La même volonté d'accompagner nos malades qui nous unit. Nous avons tellement partagé de Noël ensemble que nous avons l'impression de constituer un peu une famille.
Surprise par ce souvenir ancien, je prends un autre chocolat et le laisse fondre un peu plus longtemps. L'onctuosité et le velouté me déposent devant un beau sapin décoré de guirlandes et de boules dorées et argentées.
Je caresse du regard les petites chaussures déjà recouvertes de cadeaux. J'admire la crèche et ses santons. Je respire les senteurs de pain d'épices et de viennoiseries que j'apporte aux enfants qui dévorent sagement des yeux « La mélodie du bonheur » en réchauffant leurs petites mains autour de leur bol de chocolat. Leurs rires sont si cristallins.
Il n'y a pas de feu dans la cheminée. Le père Noël n'aurait pas pu passer. Il se dégage cependant dans la pièce une véritable chaleur humaine. Un instant de joie et de bonheur. Une belle famille. Bercée par cette atmosphère remplie de douceur et de tendresse, le souvenir grandit et me bouleverse. Le craquant d'un autre chocolat fait pétiller mes papilles et me transporte dans mon enfance. Je suis plongée dans une torpeur incontrôlable et tout devient confus, tout se brouille le sapin me paraît immense. Il est garni d'une multitudes d'objets scintillants.
Tant de flashs surgissent : Des cadeaux de toutes les formes et de toutes les couleurs, des sucres d'orge, des chants, la messe de minuit, la dinde et ses marrons, la bûche et ses petites figurines, le père Noël et son traîneau que l'on n'a jamais réussi à voir malgré toutes nos stratégies ...
Le crépitement du feu dans la cheminée me rappelle à la réalité et je déguste ces instants de vagues réminiscences. Au plus profond de moi tout s'éveille et le souvenir m’apparaît.
La famille s'est agrandie. Noël est devenu un rituel. Nous attendions tous ce jour avec impatience. Quand l'un d'entre nous faisait semblant de ne pas retrouver le cadeau qu'il voulait offrir. C'était le moment d'évoquer la tante Torpille si étourdie que chaque année elle oubliait son carnet de chèques pour nous offrir des cadeaux. Nous n'étions pas dupes et cela nous amusait. Puis nous parlions de nos disparus et racontions quelques anecdotes transformées et embellies avec le temps. Une transmission familiale pour les plus jeunes. Les photos étaient ressorties, nous nous moquions les uns des autres, de nos coiffures, de nos vêtements... Nous arrivions parfois à nous chamailler sans méchanceté et toujours dans la bonne humeur au milieu des éclats de rire. Les enfants étaient émerveillés de découvrir que leurs ancêtres avaient tous été des personnes merveilleuses et extraordinaires. Toute la famille était réunie et il régnait au milieu de nous un bonheur incommensurable.
J'avais oublié que cette journée était remplie de « Tant de... ».
Tant de : Joie, paix, amour, écoute, partage, émotions, respect, bienveillance et générosité.
Viviane
Les choses comme miroirs de nos émotions
- Par la lecture je me suis inventée des « Madeleine de Proust »,
Littérature, où comme Alice j’entre, impatiente, fiévreuse,
dévorant les mots, comme une gourmandise souple et sucrée.
Quelques marches à descendre,
je l’ai adopté !!!! il est là, élégant, teint pain d’épice,
il poursuit sa vie… le living de ma Mère.
Je viens d’en prendre conscience !!!
C’est Ma ‘Madeleines de Proust’,
son cœur fait de mille miettes de la vie, bat au rythme de chaque jour.
Mon regard court dessus, ma main se promène,
à chaque porte, chaque tiroir, des souvenirs s’étirent, baillent sans bruit.
parfum de la cire, images d’hier, me prennent...
Cinq... dix complices, comme des lutins curieux, insatiables,
se faufilent entre les enveloppes au bleu délavé.
« Maroc », « Tunisie »,
celle-ci plus dodue « Tanzanie »
montrent un monde de dentelle aux couleurs encore vives.
Ma gourmandise s’en hardie, me guide vers les albums…
Mon regard dévore déjà le sourire ‘d’un Amour d’Enfant’
glisse sur l’espiègle ‘Petite Fadette’.
un cadre, une photo le retient…
Un visage d’enfant des cheveux blonds et fous,
un sourire, des yeux où je plonge sans retenue...
Un peu absente, émue, perdue...
je me détourne, mes bras battent l’air,
nappe, serviettes, pièces de draps me sauvent de cette langueur.
j’enfouis mon visage dans leur présence.
Du pied, je repousse doucement un tiroir entr’ouvert « non !!! pas aujourd’hui ».
Un peu plus légère, je tourne le dos à mon Coffre de Madeleines ;
vers qui, à n’en pas douter, je reviendrais…
Selon l’alchimie du moment, nos Madeleines, peuvent être douces- amères.
Gérard
Souvenirs impressionnistes : la madeleine de Proust
Trois notes de musique
Trois notes de musique, cinq peut-être et je vois la lune. Et le soleil. Et les étoiles.
En trois notes de musique je suis dans le ciel pour un doux et beau voyage.
Sans le demander à la lune, ces trois notes de musique m’éclairent.
Le soleil ne le sait pas mais ces trois notes de musique me réchauffent.
Trois notes de musique, j’ai la tête dans les étoiles et le ciel à une tout autre allure.
Trois notes de musique c’est une fortune. Sans débourser une tune.
Trois notes de musique c’est une aventure. On peut tout demander à la lune.
Trois notes de musique c’est une évidence. C’est toi et moi.
Trois notes de musique me font toujours sourire. Nous font toujours sourire.
Nita LP
Fortune de mer : l’impossible retour
Partie, seul équipage de mon bateau blessé,
Ma voile claquait au vent ; fière, jeune, assoiffée,
Je réclamais le monde, je demandais mon dû
La terre est si petite, et j’avais tant voulu
Étancher mes désirs et combler mes élans,
Je chevauchais les crêtes, les marées et les vents.
La mer portait chimère, le ciel m’était clément,
Mon navire cinglait toujours plus en avant,
Les océans du globe, les phares de l'univers
La lune, les étoiles, tous les soleils d’hiver
M'attiraient vers demain, m’appelaient haut et clair
Encore, toujours plus loin, ailleurs, là-bas, mon île…
Je ne le savais pas : je tissais mon exil.
Ma coque s’étiolait, ma faim se rassasiant,
Mes voiles faseyaient, aurai-je encore le temps
De revenir au port, à l’attache, à moi-même,
De renaître à l’enfance, de renier ma bohème ?
Reverrai-je mon havre, mes espoirs assouvis,
Le repos du guerrier, mon refuge, l’abri ?
Le voyage au long-cour avait assez duré
Mon rêve prenait l’eau, albatros chaviré,
Je voyais désormais la fin de l’aventure.
En défiant la mort avec désinvolture
Au bout du rail d’Ouessant, fis naufrage un matin
M’échouais au rivage, près du cimetière marin
Écriture impressionniste : La Vague des Sentiments,
L’Éclat de la Joie,
L’Ombre de la Peur…
Nita LP
La vague des sentiments,
Elle a tout submergé…
Comme une houle déchaînée
Comme un torrent qui gronde
Une armée en déroute
Comme une avalanche meurtrière,
Une bête tentaculaire,
Elle s'est enflée, gonflée, exaltée jusqu'à n’en plus pouvoir
Et, subtilement, magnifiquement, impérieusement
Elle a roulé, enroulé, déroulé ses pouvoirs
La déferlante… J'ai sombré
Christine
La Vague des Sentiments
Au grand galop, l'écume aux lèvres, babines retroussées, le grand fauve est lâché.
Le sentiment rugit. Il mord les mollets. N'écoutant que lui-même, il nous saute à la gorge. Souffle coupé, on recule pantois. On ne reconnaît plus en lui l'animal domestique qu'on avait cru dompter. Plein de morgue, il s'impose, parfois nous assassine. On ne pèse pas bien lourd face à l'ensauvagé.
Comment sauver sa peau? Comment lui résister? Pactiser est trop veule, obéir, c'est se perdre. On réclame assistance à personne en danger. Les conseils sont légion, bien peu sont judicieux et pendant ce temps-là, le fauve parade encore bousculant sans vergogne toutes nos convictions.
La vague s'abat sur nous. Totalement désarmé, on tente de surnager. En vain. La déferlante salée engloutit nos dernières volontés. Titubant, hébété, on en ressort trempé. Il va falloir du temps pour sécher sa carcasse. On est rongé à l'os, la bête a triomphé !
Jeanne
La Vague des Sentiments
Mon cœur tumultueux s’emballe,
L’adrénaline se répand dans mes veines,
dans un élan fougueux, pleine d’allégresse,
je me sens emportée, enivrée d’enthousiasme,
grisée par ce puissant jaillissement vital,
qui m’élève vers une hauteur prodigieuse.
Michel
Confusion des sentiments
Tel un rouleau écumant,
la colère m’emporte.
Ai-je perdu la face ? Est-ce la jalousie ?
Ou alors un désir que je n’ose avouer…
J’ai honte de m’emporter.
Mais qui a commencé ?
Elle, me donnant à croire, et en me provoquant ?
Ou bien mon imagination ?
J’en ai bien peur : le constat est amer :
je suis sentimental pour deux…
Allez mieux vaut en rire !
Sylvie
La Vague des sentiments
Mon âme est trouble
Je vais
Je ne sais ce que j’ai
Mon coeur est trouble
J’avance
Que s’est il passé?
Mon corps est lourd
J’approche
Et mes pas sont si lents
La plage n’est pas loin
Encore un pas bientôt
Et je verrai la mer
Encore un pas enfin
Entière j’y plongerai
Tant mieux peut-être
Si je n’ai su parler
Car c’est elle qui toujours,
Par la morsure du froid
La force de la vague
La douceur de l’écume
Saura me consoler
Jacques
Je te veux de laine et de soie
D’Ispahan douce comme ta peau
Que mes mains sont avides de caresser
Je te veux de laine des moutons
De l’Irlande pour réchauffer mon corps et mon cœur
De cette laine des iles d’Aran
Sur lesquelles se meurent des marins téméraires
Joueurs de violons nostalgiques et buveurs de bière
Sur ces terres désolées rudes mais authentiques
Tu es semblable à cette ile d Iirishmore
Frêle et solide naturelle et sauvage
Silencieuse comme la tendresse
Espérant comme un désert
Qu’un nuage de pluie caresse
Riante comme l’oiseau qui regagne la terre
Tu es aigle et moineau
Tu es mon ile
Nita LP
L'ombre de la peur,
Elle rôde, m’érode,
diffuse, m'infuse…
Immobile et sourde,
étouffante et lourde
Asphyxiante, elle s'incruste
Sombre comme l'ombre de mon ombre,
Elle colle, adhère, étouffe, étrangle.
Puis elle attache, elle empêche, paralyse.
Sidérée, pétrifiée, je tremble et tressaille
Gérard
Éclats de la joie
La joie, lorsqu’elle éclate, sort par les yeux, coule sur les joues, efface les rides, blanchi les dents. La joie est aristocrate, néglige les petites peines et de plaisir rougeoie. Mais la joie n’est pas diplomate, elle se moque de la tristesse et la foudroie. La joie ingrate, oublie la nostalgie et la broie. La joie acrobate, fait un pied de nez à la peur, l’avale telle une proie.
La joie, sournoise, se carapate rapidement et dans l’abîme des autres sentiments se fourvoie.
Alors moissonnez les joies pour en faire des bouquets de bonheur et, pour ne pas les garder pour soi, distribuez les dans la bonne humeur. Néanmoins tenez vous à distance des rabats joie.
Sylvie
Le poids du sens, la lumière des choses.
Il arrive que dans les hautes herbes, on s'allonge et on se sent protégé par de longues tiges molles qui ondulent au vent.
On écoute un homme qui vous transcende et on regarde les nuages de Barbapapa. Ils sont sucrés et doux comme les pommes d'amour des fêtes foraines d’autrefois. Il a une posture droite comme une plante et souple et belle et odorante mais on sait pourquoi il a un regard qui pousse, qui traverse, qui vous reconnaît et on se dit chouette je ne suis plus seul. Je fais partie de lui et de ceux comme lui, il dit des mots que je reconnais comme si c'était les miens mais si clairement, si joliment que cela soulage d'une douleur, que vous reconnaissiez, et vous pouvez apaiser ce sentiment, qui serre le corps, d'être à la fête dans une rivière.
J'aimerais parfois que ce ne soit pas important,
mais ça l’est tant, si important que ça pèse, que c'est lourd.
Trop lourd de sens.
Se délester du poids de cette importance, s'envoler vers cette lumière qui n'a pas besoin de sens, où il n'y a rien à comprendre, ni à surmonter, ni à protéger, ni à attendre.
Nita LP
Le poids du sens, la lumière des choses
Van Gogh, sur la toile, la chaumière
Et la lumière
Si vive dans cette nudité
Vincent, cette pauvre chaumière
C’était nous deux
La lumière c’était l’amour
Vincent, sur la toile envolée
Le sens de notre vie
Et le poids de ce sens
La nudité du vrai
L’éclat de l’authentique
De l’amour envolé, Vincent
Une nuit, en partance
La toile a disparu
Et avec elle tout sens
La lumière s’est éteinte
La chaumière évanouie
Et l’amour s’est enfui
MA DEMEURE …
Christine
Maison Bulle
J'habite une maison bulle à l'éphémère beauté, tout en rondeur moirée, sans angle à redouter. On ne peut s'y cogner. Ouverte à tous les vents, sans fenêtre, ni porte, il n'y a rien à voler et j'y déverse en vrac des milliers de pensées.
C'est mon refuge nacré, toujours là où je vais. Je n'y vis qu'au présent. À quoi bon remuer les strates du passé? L'avenir, trop illusoire, vaut-il seulement la peine d' être envisagé ? Sans faire d'ombre à personne, j'embarque silencieusement et largue les amarres. Me voici protégée.
Aucun toit ne défie la bleuité des cieux. La maison aérienne, souple comme un nuage, se forme et se déforme au gré de mes envies. Inlassablement, je me balance dans le globe irisé aux parois translucides où miroitent les songes.
Cet abri dépouillé me donne à voir le monde. Il butine et volète parmi les grands espaces. Les paysages défilent. J'y respire l'air du large. Tout au long du voyage, je m'accorde le luxe d'attendre l'improbable au beau milieu d'endroits insolites et sacrés.
Un parfum de liberté enivre l'atmosphère. Seule au monde, loin du vain désir de briller, je flotte en apesanteur au creux du vide transpercé de lumière et je me régénère dans mon tout petit rien vibrant du grand silence de la méditation.
Nita LP
Mon île
(Voyage intérieur)
Toi, ma douce, ma précieuse,
Mon évidence
Toi, mon immobile et ma mouvance
Ton air est si léger
Ma soif de toi si absolue !
Entre ciel et mer, je flotte,
Me perds et me retrouve...
Sortie de la brume d'un rêve,
Tu jaillis en parfums et couleurs !
Tu m'évades, me transportes...
Ta nudité me trouble,
Toi mon appartenance et mon ailleurs
Jusqu'à l'Éden, la nostalgie
À LA MANIÈRE DE CYRANO…
Annick
T’as d’beaux yeux, tu sais....
C’est tout ce que vous me dites ? Comme tout le monde ?
Vous auriez pu trouver des phrases plus girondes.
Amoureux : Je ne veux qu’aimer tes yeux, ne regarder qu’eux....
Lyrique : Je salue la beauté des yeux de ma Dulcinée.
Respectueux : Devant tes yeux, je m’agenouille.
Admiratif : Léonard a peint un sourire
Et moi, je peindrai ton regard
Inquiet : Avec ces yeux-là, peux-t-on sortir le soir ?
Mystique : Pour avoir ces yeux-ci
Ta mère a dû trop prier la Vierge Marie.
Amical : Jolis yeux dans ta belle frimousse.
Familier : Avec ce genre de mirettes
Pas de problèmes pour la nénette.
Rustique : Té, ça, des vrais yeux d’fillette
J’donnerai cher pour en avoir une paire bleuette.
Dépassé : Ben vrai, des yeux comme ça, c’est pas possible !
Botanique : Je me souviendrai toujours de la couleur des myosotis.
Clairvoyant : Avec ces yeux-là, tu ferais pas du cinéma ?
Mercantile : Avec ces yeux-là, chez un photographe, tu as fortune faite.
Elle aurait pu dire tout cela. Elle répondit seulement : Embrassez-moi.
Jacques Pothier
POETIQUE
Ses yeux sont d’un bleu à faire rougir la mer
Pâlir les Etoiles illuminer la terre
HISTORIQUE
Si Cléopâtre avait eu les mêmes
Antoine l’aurait suivi jusqu’ à Jérusalem
MATHEMATIQUE
Ils ne sont que deux mais à tout prendre
L’infini pour cette inconnue se perd dans ses méandres
RENAISSANCE
C’est Chambord c’est Chenonceau
Que dis-je c est Chambord c’est Azay le rideau
CYRANESQUE
C’est la mer bleue quand ils se plaignent
Pour un opticien qu’ elle enseigne
BOTANIQUE
Ces mirettes d’un bleu d’iris
Font du tort aux myosotis
BRELIEN
Des yeux à croquer la fortune a décroisser la lune
A faire de l’ombre au grand Neptune
EUROPEEN
Bleu azur azul azzuro
Dans toutes les langues ses yeux sont les plus beaux
Martine
T'as d' beaux yeux tu sais
Ambitieux : Moi Madame, si j'avais vos yeux
J'aurais séduit les rois tout autant que les gueux !
Historique : Si Cléopâtre avait bénéficié
De vos beaux yeux ambrés
La face du monde en eut été changée...
Gemmologue : Ils sont émeraudes, saphirs
Améthystes, et éclats de désir !
Biblique : Aimez- vous tant glorifier les Cieux
Pour avoir leurs nuances inscrites dans vos yeux ?
Gérard
AGRESSIF
Mes yeux, mon pote, vont te scanner,
T’analyser, te disséquer, t’atomiser,
Tu vas en pleurer de douleur
PÉDANT
Mes yeux, monsieur, sont mon miroir
la perfection pour un mauvais peintre
un monde insondable tant le bleu est profond
un vitrail d’où jaillit une belle lumière
un océan dans lequel les filles perdent pied
PRATIQUE
Vous en voulez une greffe
Assurément, vous allez retrouver la vue
Cela va vous changer le monde
IMPRESSIONS
JE SUIS ENTRÉ DANS LE CHAGRIN EN POUSSANT LA PORTE DE LA SAISON FROIDE…
Nita Le Pargneux Ma cinquième saison
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Christine Herbert Saison d'Ailleurs
Gérard Bréal Je suis entré dans le livre
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Michel Couvidou « J’ai ressenti…»
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SOUVENIRS IMPRESSIONNISTES...
Josette Lacroix Je me souviens d'un vaisselier
Jacques Pothier Longtemps, je me suis couché de bonne heure
Laurence Pellerin L’ile d’Oléron
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Jeanne Crinon Réminiscence
Anne Vaujour Madeleine de Proust : Noël, une fête de famille
Viviane Lo Bono Les choses comme miroirs de nos émotions
Gérard Bréal Trois notes de musique
Nita Le Pargneux Fortune de mer : l’impossible retour
ÉCRITURE IMPRESSIONNISTE : LA VAGUE DES SENTIMENTS, L’ÉCLAT DE LA JOIE, L’OMBRE DE LA PEUR…
Nita Le Pargneux La Vague des Sentiments
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Jacques Pothier Je te veux de laine et de soie
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À LA MANIÈRE DE CYRANO...
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Martine Murail Gemmologue : Ils sont émeraudes, saphirs
Gérard Bréal Agressif : Mes yeux, mon pote, vont te scanner,
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