Rôles          

 

              " C'est la java bleue

              La java la plus belle...

              Celle qui ensorcelle..."

 

               " Ah le petit vin blanc

               Qu'on boit sous les tonnelles

               Quand les fille sont belles

               Du côté de Nogent...."

 

               Charles enchaînait les rengaines connues viscéralement de tout le monde.

               Il avait bien choisi son emplacement , station Concorde , couloir correspondance

               Montparnasse.Les badauds s'agglutinaient , chacun battant du pied la mesure.Il

               était vêtu de vieux oripeaux sales et élimés , coiffé d'un béret usé jusqu'à la corde.

               Des lunettes noires aveuglaient son regard . Une vieille écuelle pour chien , toute

               cabossée tendait son ventre bombé à l'obole sollicitée . Beaucoup y allaient de leur

               petite pièce ..." Il le mérite bien...S'il ne boit pas tout il pourra peut-être manger ce soir..."

               "...Pouvez vous nous jouer Milord de Piaf ? "  interrogea un homme d'âge mûr ...

               "...Pas de problème   allons-y pour Milord..."

                Charles enchaîna 

               "...Mais vous pleurez Milord..."

                devant un public de plus en plus enthousiaste ....

              

                Demain il reprendrait sa place de chef de service à l'Hôpital  Bichât ,

                avec son costume sur mesure et ses souliers vernis.

                Depuis le temps qu'il rêvait de cette escapade , sa soirée était vraiment réussie.

 

Le cabinet du médecin

 

       Henri pénétra  dans le cabinet du médecin à son invite lorsque ce dernier vînt le chercher

       dans la salle d'attente . Lassé d'entendre à chaque appel " nous ne prenons pas de nouveaux

       patients il était trop heureux d'avoir trouvé un praticien qui veuille bien le recevoir . Le médecin

       d'un signe de la main l'invita à s'assoir . Retournant lui même à son bureau il pratiquait de grands

      moulinets avec le bras gauche  tout en se tenant l'épaule de la main droite.

         -"Ah ...!   Saloperie de tendinite..." l'entendit-il souffler..." C'est encore pire qu'hier..." 

      Henri attendait calmement de pouvoir exposer les raisons de sa venue .

         - "...Je n'aurais pas dû jouer si longtemps au tennis hier , j'ai souffert le martyr toute la nuit ..."

         -"...Bon , qu'est-ce qui vous amène...?"

         -" Eh bien voilà , Docteur , je suis nouveau dans la région et...."

         -"...Et puis rien n'y fait , les anti-inflammatoires me bousillent l'estomac...Vous jouez au tennis...?..."

         - "...Euh...Non Docteur...J'y ai joué plus jeune..."

         -"...Ah...Vous êtes nouveau dans la région...Vous venez d'où...?..."

         -"...J'étais à bordeaux il y a quelques encore mois..."

         -"...Il y a de bons joueurs par là   Mais ça me fait vraiment un mal de chien...Si vous êtes nouveau

       vous ne connaissez pas un bon ostéopathe par ici...?..."

         -"...Euh ... non , désolé Docteur..."

         -" C'est pas grave...Tenez , vous me ferez une prise de sang et revenez me voir avec les résultats...

     donnez moi votre carte vitale et 30 Euros Vous pouvez pas imaginer comme ça peut faire mal...!"

Rôles

    Je me suis levé, lavé, rasé, habillé,

    J'ai pris mon vélo, j'ai pris le métro,

    Je suis parti pour le boulot.

    Les chiffres j'ai bien alignés,

    Toutes les bonnes cases j'ai cochées,

    Les résultats au chef j'ai donnés.

    Au dîner je suis allé,

    Sans faim j'ai consommé,

    Sans fin j'ai parlé.

    Le soir je suis rentré,

    Dans le miroir me suis regardé.

    Dans le miroir me suis demandé

    Qui est cet inconnu qui me regarde?

.

Mars 2025

 

Jean-Louis D.

 

                  Les mangeurs de pommes-de-terre, V. Van Gogh

 

 

                  La lumière crue sculpte au burin

                  Les ombres et lumières

                  De ces visages marqués aux traits grossiers.

                  Le peintre use ici d'une palette étroite

                  Où dominent les couleurs terre

                  Rappelant par là l'essence même des personnages.

                  L'ambiance est créée par les nuances claires obscures de l'éclairage.

                  Du plafond descend une lampe à pétrole

                  Dont la lueur de la flamme,

                  Qu'on devine vacillante,

                  Rebondit sur l'abat jour métallique

                  Mettant ainsi en pleine lumière

                  Au centre de la scène :

                  Le plat de pommes de terre.

                  C'est  ce même plat de pommes terre

                  Qui, à son tour, éclaire les visages

                  Des personnages présents,

                  Laissant deviner la vie dure de ces paysans,

                  Aux traits marqués, aux expressions muettes,

                  Mais semblant en dire tant.

                  On sent sans la toucher

                  La rugosité de la toile grossière

                  Dont sont faits leurs vêtements.

                  Nulle lumière ne parvient des fenêtres.

                  L'atmosphère suggère la pose du dîner du soir

                  Après une longue et dure journée de labeur.

                  Trois femmes ,dont une semble encore une enfant,

                  Et deux hommes, donc peut-être une famille,

                  Se partagent ce plat de pommes de terre,

                  Accompagné d'une tasse de café,

                  A moins que se ne soit qu'un vulgaire ersatz ,

                  Seul moment un peu réconfortant de la journée.

                  Certes, si Vincent Van Gogh devint par la suite

                  Le peintre de la couleur, et même des couleurs,

                  Possiblement sous l'impulsion de son frère Théo,

                  Il réussit, dans ce tableau des mangeurs de pommes de terre,

                  Avec une palette étroite et des couleurs sombres,

                  A nous faire ressentir les sentiments et émotions

                  De ces "gens de peu"

                  Autour de ce repas modeste mais partagé.

 

fév 2024 

 

Street-Art

 

Ainsi que Boris Vian  affirmait :"l'humour est la politesse du désespoir, je dis que l'art peut maquiller la banalité voire de la laideur.

 

   J'aime  ces calligraphies aux milles formes et couleurs qui recouvrent les murs décrépis et hideux.Les paysages urbains sinistres défilent sous mes yeux hagards dans le train de banlieue bondé qui m'emmène au bout de nulle part.Un gorille énorme aux yeux exorbités et aux lèvres lippues rouge écarlate jaillit soudain de la bouche d'un tunnel.On appelle cela le street-art...

     

  J'aime le coup de trait épuré tracé d'une main sûre et habile sur les parois obscures  de la grotte qui en deux courbes  fait revivre le bison déchainé.

   J'aime la touche empâtée du pinceau de Toulouse-Lautrec qui m'invite dans ce bordel aux odeurs acres et couleurs crues.

   J'aime les dessins en noir et blanc de Tardi des tranchées de 14-18 ruisselantes du sang de toute une génération fauchée en pleine jeunesse qui me prennent aux tripes.

    L'art ici,essentiellement sous sa forme graphique me fait revivre et peut-être accepter une grande partie de la misère humaine en la repeignant de son vernis poétique.

  HUMEURS OPIACÉES AU LOTUS BLEU

  

           UNE FARANDOLE DE VERS À SOIE , EN RIBAMBELLES ET À LA QUEUE LEU LEU , SERPENTE

EN REPTATIONS ONDULANTES DANS LES RUELLES SINUEUSES MAIS ENSOLEILLÉES DE CETTE CITE LACUSTRE , TELLE UN DRAGON SANG ET OR LORS DE SA SORTIE ANNUELLE DU NOUVEL AN CHINOIS ,ENCERCLANT DE FOLLES ARABESQUES UNE FOULE ENIVRÉE DE MANDARINS REVÊTUS DE TISSUS FLAMBOYANTS.

           DE CETTE FOLLE FARANDOLE JAILLIRA TEL UN FEU D’ARTIFICE UNE NUÉE MULTICOLORE

DE PAPILLONS EXHUBÈRANTS CÉLÉBRANT LA RENAISSANCE DU TEMPS EN CE NOUVEL AN CHINOIS.

 

           

nov 2024

 

                                  Je suis entré dans l'incertitude

                                  en poussant la porte de l'église

                                  c'est par les mots que vient le questionnement

                                  

                                  Je suis entré dans le questionnement

                                  en poussant la porte de l'école

                                  c'est par les mots que vient le raisonnement

                                  

                                  Je suis entré dans le raisonnement

                                  en poussant la porte de la faculté

                                  c'est par les mots que vient le doute

                                  

                                  Je suis entré dans le doute

                                  en poussant la porte de la liberté

                                  c'est par les mots que vient la diversité

                                  

                                  Je suis entré dans la diversité

                                  en poussant la porte de la nature

                                  c'est par les mots que vient l'universalité

                                  

                                  Je suis entré dans l'universalité

                                  en poussant la porte de l'université

                                  c'est par les mots que vient la faculté

                                  

                                  Je suis entré dans la faculté

                                  en poussant la porte de la difficulté

                                  c'est par les mots que vient le jeu

                                  

                                  Je suis entré dans le jeu

                                  en poussant la porte de la facilité

                                  c'est par les mots que vient le hasard

                                  

                                  Je suis entré dans le hasard

                                  en poussant la porte de la certitude

                                  c'est par les mots que vient la nécessité

                                 

                                  Je suis entré dans la nécessité

                                  en ouvrant la porte de l'univers

                                  c'est par les mots qu'on finit par se paumer.

13 AVRIL 2023 

 

   A la manière d’ Apollinaire... 

 

        Du pigeonnier si haut perché 

        Une plume s’est envolée 

        Du ramier elle s’est détachée 

        Pour qu’à venir inspiration 

        M'apporte doucement à foison 

 

‘’Pour s’envoler il faut d’abord sauter dans le vide...” 

 

Certes, mais qu'est-ce que le vide ? Par définition, c'est là où il n'y a rien. Mais comment sauter dans rien ? je peux sauter dans la piscine, sauter sur une mine, sauter à pieds joints, sauter à la corde, mais sauter dans RIEN ? Et qu'est- ce que c'est que RIEN ? Rebondirai-je et comment en sautant dans rien je m'envole donc j'existe !... C'est une forme d'incarnation... je ne m'appuie sur rien pour prendre mon envol...Hum... Il faut avoir confiance … 

     Extraits de’’ La réflexion de l'oisillon au bord du nid ‘’ (tome I chapitre 3) 

Une fois n'est pas coutume, je me réveillais dès potron-minet et sautais comme un cabri dans mes baskets.  Une jolie fleur dans une peau de vache m'avait attiré avec sa taille de guêpe dans un dans une véritable souricière. Malgré le froid de canard de ce matin blême, je courais comme un zèbre me jeter dans la gueule du loup. Je me faisais in petto un grand film dont j'étais le héros triomphant. Hélas la belle n'était pas au rendez-vous, elle m'avait posé un lapin, j'avais vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Elle avait joué avec moi au chat elle a souri et me laissait seule avec mon cafard. 

Le surréalisme

 

 

                     Je marche devant moi et je me suis

                     Promeneur solitaire sur la plage désertée

                     Alexandrin abandonné sur la page blanche

                     Je cherche mes mots parmi tous mes maux étalés

                     Un escargot très habité

                     Inscrit sa trace sur le sable

                     A grands coups de bave

                     Comme il a l'air brave

                     Et pressé

                     Un cargo par l'horizon aspiré

                     Ecrit son destin

                     A grands jets de noire fumée

                     Sur la ligne d'horizon

                     D'une mer peinte à l'huile

                     Par un artiste halluciné

                     Jettera-t'il son ancre en Chine?

                     Mes pas m'ont précédé et se sont perdus

                     L’escargot dans sa hâte m’a semé

                     Sa trace s'est évanouie 

                     Dans un ciel noir d'encre

                     Où un cargo s'est perdu à chiner

                     Alors Nita m'a dit

                     Il est l'heure de se réveiller

                     Retour à la réalité

À propos du sentiment amoureux...

 

 

         Juste avant de prendre son téléphone

         La petite voix se fit entendre...

         Alors, tu veux ou tu veux pas?

        

         Si tu veux, méfie toi

         Descente dangereuse !

         Des emmerdes, tu vas en avoir,

         Et pas qu'un peu !

         Souviens toi, il chantait, le grand Jacques

         "Vas-y pas Gaston, mets-la en liste d'attente..."

         Tu vas glisser dans le fleuve qui bouillonne...

         Ta seule victoire est dans la fuite....

          Souviens toi de ce qui c'est passé la dernière fois...

          Jusqu'où t'a mené la dégringolade...

          Dans le trente sixième dessous et bien pire...

          Je ne vais pas avoir la cruauté

          De te rappeler certains souvenirs

          Allons, repose ton téléphone,

          Ça vaudra peut-être mieux pour toi...

         

          … Mais , si tu ne veux pas ,

          Tu ne sais pas ce que tu perds...

           Pas envie de connaître

           Griserie et ivresse de l’inconnu

           Ouvertures de portes sur un monde enivrant

            Plaisir intense de l'attente

            De l'être aimée et chérie ?

            Le souffle puissant du sentiment de liberté

            Qui gonfle tes poumons

            D'un air si fort qu'il finit par te saouler 

            Tu refais le monde ,

             Rencontres folles n'importe où n'importe quand

             Tout est trop bon, cinés, restos ,

             Gondoles à Venise, visite du Prado

             Moules frites à Bruxelles

             Mille lettres tous les jours

             Le facteur est en burn-out...

           

             ....Alors , dis , vraiment...

             T'y vas ou t'y vas pas...? 

avril 2024

 

La dentellière.

 

Elle est bien prude la petite dentellière,

les yeux sagement baissés sur son ouvrage,

le geste précis et délicat.

Quelles folles pensées se bousculent derrière ce front en apparence si serein ?

En y regardant bien, 

on peut deviner un discret empourprement des joues

qui peut laisser imaginer que les pensées les plus folles

se bousculent dans cette tête si gironde.

 

Est elle vraiment si sage la petite dentellière ?

                          Jésus

 

      Il franchît le portail à mon invite

      par une belle après-midi de printemps

      dont je profitais pour ravauder le jardin

      avant l'arrivée des beaux jours.

      "Bonjour me dit-il, je m'appelle Jésus

      et je viens racheter vos péchés".

      « Ah, ça tombe mal, vous voyez,

      car je n'ai qu'un tout petit pêcher mignon

      qui me donne des fruits délicieux

      qui ne sont pas défendus

      et il n'est pas à vendre.

      J'ai bien quelques pommiers

      mais ils ne sont pas à vendre non plus.

      Quant aux choux je les ai paumés

      dans des placements foireux

      qui ne valaient pas une cerise

      conseillés par un banquier véreux

      à qui j'ai envoyé mon avocat

      mais qui lui aussi était marron.

      Enfin bref, vous voyez, mon pauvre Jésus,

      Pour le rachat de mes pêchers,

      vous pouvez mettre une croix dessus."