NITA LE PARGNEUX La Page Blanche 2024 -2025
Séance du 04 novembre 2024
ÉMOTION
ÉCRITURE IMPRESSIONNISTE
"On prépare tant et tant de stratagèmes pour y échapper. La minoration délibérée des espoirs doit entrainer celle des craintes, alors on se construit des carapaces d’habitudes. On se projette dans un avenir furtif et proche. On croit se connaître un peu. Et puis voila. Ce n’était qu’un château de cartes. Elle survient, visiteuse inattendue, faussement inespérée. On n’était pas si lourd, ni si solide. On est ému. On est mû, déplacé. Traversé par l’émotion, on devrait se trouver différent, et c’est tout le contraire. Il y a une envie immédiate, absolue de se noyer tout entier dans cette vague à l’âme. Se défaire alors de toutes les protections mentales, savoir que l’on n’était pas vraiment soi, avant, puisque ce qui nous bouge est un meilleur de nous, tellement plus fragile et tellement plus vrai. Se laisser pénétrer, s’abandonner, avoir la chair de poule. Emu, se reconnaitre."
Philippe Delerm, Les mots que j’aime, Points, Le goût des mots, 2013
I Un événement simple vous a bouleversé, en développant votre vocabulaire sensoriel, faites-nous complice de cette forte émotion.
II « Je suis entré dans le chagrin en poussant la porte de la saison froide.
C'est par les mots que vient l’hiver. » Jean-Michel Maulpoix
En mêlant nature et sentiments personnels, poussez la porte de votre saison. (Vous emploierez une anaphore).
III Sous forme de poème en prose, décrivez : La Vague des Sentiments, Le Poids du Silence, L’Éclat de la Joie, L’Ombre de la Peur, La Douceur de la Nostalgie
Texte joint : Jean-Michel Maulpoix, Le jardin sous la neige, 2023
Saison froide
Je suis entré dans le chagrin
en poussant la porte de la saison froide.
C’est par les mots que vient l’hiver.
À la saison froide, on se calfeutre. Certains creusent un trou dans la terre. D’autres font provision de bois, de graines et de fruits secs. D’autres composent un lit de feuilles. La plupart ne bougent plus. Ils se préparent. Ils se résignent. Ils voudraient simplement dormir. À la saison froide, on regarde la vie filer au large : les affaires, les projets, les amours des autres. On se tient tel un naufragé qui guettait naguère au loin depuis son île les navires de passage : on ne lève plus les bras, on n’allume plus de feu, on ne fait plus de signe... On n’en peut plus d’attendre...
À la saison froide, la nuit tombe plus vite, les journées sont plus courtes, on ne regarde plus le soleil descendre sur l’horizon. L’heure qui vient est noire et silencieuse, faite exprès pour le sommeil, ou peut-être autre chose de plus obscur et de plus inaudible encore. Nul feu ne flambe plus dans le cœur.
À la saison froide, la pluie cesse de tomber. Elle blanchit et tournoie, éperdue, cherchant son chemin, essayant peut-être de remonter vers les hauteurs du ciel d’où elle est venue, offerte aux bourrasques et se bousculant en essaims d’abeilles glacées. On dit alors qu’elle tourne en neige.
À la saison froide, la vie perd ses couleurs. Comment s’émouvoir ? Les ailes des papillons et les abeilles sont grises. La vie aussi s’en va en miettes. On rêve à des prairies, des robes claires, et pourquoi pas, au zénith de l’été, un champ de blé piqueté de coquelicots et de bleuets.
À la saison froide, la peau a perdu ses couleurs : elle se fripe et blanchit. Quel est ce froid sur les visages ? Est-ce la mort qui creuse et va son chemin ?
— La lumière du soir est pourtant si belle !
À la saison froide, on parle à l’abîme, on se tient très près de l’oreille des morts. On les sent qui frissonnent au fond de soi. Ils appellent. Auraient-ils donc peur ? Doit-on aller les rassurer, coller la bouche contre la pierre ?
À la saison froide, on diminue. On rentre la tête dans les épaules. On se voûte, on se tasse. On écrase une à une les vertèbres de sa carcasse. On marche moins vite. Moins assuré, on prend de moins en moins de place. On s’efface. Il neige dans nos os, comme sur nos cheveux.
À la saison froide, les autres se détournent. Ils sont un peu gênés et regardent ailleurs. Nos histoires les ennuient, nos fatigues les assomment. Le jadis et le naguère ne les intéressent pas. Notre mémoire n’est pas la leur : on n’est plus dans le coup, on ne tient pas le rythme. Pourquoi ne pas s’arrêter là, et défaire pour de bon ses valises ?
Le temps n’est-il pas venu de prendre du repos ?
Christine H
La Vague des Sentiments
Au grand galop, l'écume aux lèvres, babines retroussées, le grand fauve est lâché.
Le sentiment rugit. Il mord les mollets. N'écoutant que lui-même, il nous saute à la gorge. Souffle coupé, on recule pantois. On ne reconnaît plus en lui l'animal domestique qu'on avait cru dompter. Plein de morgue, il s'impose, parfois nous assassine. On ne pèse pas bien lourd face à l'ensauvagé.
Comment sauver sa peau? Comment lui résister? Pactiser est trop veule, obéir, c'est se perdre. On réclame assistance à personne en danger. Les conseils sont légion, bien peu sont judicieux et pendant ce temps-là, le fauve parade encore bousculant sans vergogne toutes nos convictions.
La vague s'abat sur nous. Totalement désarmé, on tente de surnager. En vain. La déferlante salée engloutit nos dernières volontés. Titubant, hébété, on en ressort trempé. Il va falloir du temps pour sécher sa carcasse. On est rongé à l'os, la bête a triomphé!
Anne V.
Je suis entrée dans la maturité
En poussant la porte de la belle saison.
C’est par le bourgeon que vient le printemps.
À la belle saison, bébé pousse son cri.
La nature se réveille encore emmitouflée sous son manteau moelleux. Un rayon de soleil fait son apparition. La neige fond de plaisir. À l’abri du jardin, le grand arbre fruitier dévoile sans pudeur toute sa nudité et des petits bourgeons s’empressent de le couvrir. L’éclosion de la vie. Le temps se fait léger. Le vent délicatement caressé les nuages pour laisser le passage aux oiseaux migrateurs qui viennent de si loin. Le ciel semble tout doux mais sommeille souvent.
Ah la belle saison ! La fin de l’innocence ?
À la belle saison, le bourgeon a grandi, des feuilles sont sorties encore frêles et fragiles et l’arbre à revêtu sa cape de velours. Pour mieux l’accompagner, le gazon s’est paré d’un dégradé de verts. La nuit laisse place au jour. Le ciel s’est réchauffé protégeant l’hirondelle qui cherche son chemin et laisse présager plein de petits bonheurs qui volent à tire-d’aile. Au bout de la clairière, les vaches et leurs petits se régalent de pousses vertes offrant à leurs papilles un éclat de fraîcheur. Le foin sec de l’hiver s’agite dans tous les sens. Les rats ou les souris, les lapins et le renard qui quitte sa tanière s’en donnent à cœur joie. Les oiseaux chantent à tue-tête. Les écureuils s’amusent. La vie est en mouvement. Il fait parfois frisquet et au fond de son nid, le petit oisillon retarde son premier vol, apeuré par ce bruit.
Ah la belle saison ! La fin de l’insouciance ?
À la belle saison, la nature se révolte et se croit si puissante. Les torrents sont en crue, les terrains gorgés d’eau. Les fleurs s’épanouissent sans un ordre précis. On frôle l’anarchie. Le temps est à l’orage. Des giboulées de larmes. Alors le tonnerre gronde tel une tronçonneuse qui déchire l’arc en ciel éparpillant autour une gerbe d’étincelles de toutes les couleurs, badigeonnant le sol d’un tapis bariolé. Un vrai feu d’artifice. L’explosion de la vie.
Ah la belle saison ! La fin de l’insolence ?
À la belle saison, le temps s’est apaisé. Le ciel s’est coiffé d’un foulard de coton. On rêve de ballades. Une envie de flâner nous sort du quotidien. Rien de plus merveilleux qu’un pique-nique champêtre. On dépose la nappe au dessus des tulipes prêtes à nous accueillir. Un parfum de saveurs. Un festin pour les sens, au milieu des abeilles en quête de nectar. Sous la lumière dorée d’un coucher de soleil, on pense aux lendemains, des projets pleins la tête, instants de confidences. Tous les petits jardins n’ont plus aucun secret. Et puis on se découvre. Oui mais pas trop quand même pour suivre le dicton. L’atmosphère est festive, vivante et conviviale. Une fois la nuit tombée, les fleurs se sont fermées. Le calme s’est installé, la vie reprend son cours.
Ah la belle saison ! Début de la raison ?
À la belle saison, c’est le temps des promesses, des bonnes résolutions. Prendre un nouveau départ et faire un grand ménage. Le ménage de printemps. Le temps est aux amours. Les couples sont formés. Le cerisier en fleurs s’est recouvert d’un voile. Ses demoiselles d’honneur, les roses du verger embaument de senteurs et brillent de mille feux. Un défilé de mode. Le vent est à la fête, les pétales s’envolent comme des papillons. Le tulle s’en est allé, le fruit est apparu croqué à pleines dents. Les oiseaux font leurs nids et couvent leurs petits. La nature s’équilibre et la vie s’organise. Le froid est derrière nous et la chaleur s’installe. La terre devient fertile et près du potager, au creux de sa maison, bébé pousse son cri.
Ah la belle saison ! Saison de l’espérance.
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Annick S.
La belle saison
A la belle saison, j’ai pris mes valises et j’ai choisi un nouveau lieu pour les poser. J’ai quitté la ville de ma vie qui m’avait donné tous ses trésors, à travers livres, vie et balades.
A la belle saison, j’ai voulu connaître l’autre côté du monde et écouter son chant, le côté des forêts et des rivières, des prés et des étangs.
A la belle saison, je me suis assise et j’ai regardé ma maison. Au fil des ans, je l’ai construite, de masure elle est devenue château. Je regarde portes et fenêtres ; selon les jours, selon mon humeur, j’en ouvre certaines, en ferme d’autres. Il m’arrive aussi de les claquer ou de les laisser entrouvertes.
A la belle saison, je me suis assise et j’ai regardé mon jardin. D’un désert aride et de quelques cailloux, j’ai cultivé une oasis, où arrosés de pleurs et de pluies, poussent fleurs et fruits, prunes et roses.
A la belle saison, j’ai du temps pour les enfants, j’ai du temps pour mon stylo, j’ai du temps pour mon piano, j’ai du temps pour mes rêveries.
A la belle saison, j’ai du temps pour m’approprier des mots que Virginia Woolf nous offre : «Mon bonheur est un couronnement. J’y pensais ce matin, alors que j’étais couchée, éveillée, calme et comblée comme si j’avais franchi les tourbillons du monde pour pénétrer dans une zone de calme d’un bleu profond où l’on pouvait vivre les yeux grands ouverts, au delà du mal, armé contre toute surprise. Jamais encore, de toute ma vie, je n’avais éprouvé ce sentiment, mais il m’est revenu plusieurs fois depuis que je l’ai découvert, avec l’impression de franchir un seuil et de rejeter un manteau.»
A la belle saison, je peux contempler les autres saisons, l’énergie du printemps, l’épanouissement de l’été, la poésie de l’automne, le feu de l’hiver.
A la belle saison, j’ai rencontré une autre vie, et je me suis agrandie. A la belle saison, je continue mon chemin.
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Christine H.
Saison d'Ailleurs
Sur un rafiot de fortune, bardé de tant d’années,
J'ai fui
Pour découvrir la saison d'ailleurs.
C'est par le rêve que l'on se sauve...
À la saison d'ailleurs, l'azur s'éclaircit. On part pour un instant qui peut durer des heures. On croise très au large des sentiers familiers. On dérive vers le loin. On ne distingue plus d'amer. Demain existe-t-il ? On vient à en douter.
À la saison d'ailleurs, la houle attise les voiles. En tête du grand mât, le temps est suspendu. La nostalgie reflue en vaguelettes dociles. On aspire la risée qui a chassé l'orage. On sèche ses bleus à l'âme. On entrepose ses larmes dans un recoin secret.
À la saison d'ailleurs, le souffle mortifère des jours grinçants s'envole. L'atmosphère se charge d'une myriade de parfums. On respire l'insolite, le beau et le sacré. On respire la vie comme on voudrait qu'elle soit.
À la saison d'ailleurs, on caresse le grain soyeux du songe. On quitte le lourd ciré. Le corps peut s'exprimer. On chaloupe sur les chants des marins en bordée. On troque sa misère contre un peu de gaieté. On touche du doigt des îles pour se pauser un peu. Une douce chaleur faseye. Et on ne tremble plus.
À la saison d'ailleurs, la corne de brume lâche parfois sa plainte. On se bouche les oreilles. On ne veut plus entendre. On jette par dessus bord les propos inaudibles. On ne veut plus parler. Pas de ça. Par pitié !
On s'abyme dans l'écume du silence. La mer ne quémande pas d'explications.
À la saison d'ailleurs, le goût de la vie change. On s'en taille de grandes tranches. Il faut se rassasier. On a été privé si longtemps de saveurs. On se remplit de tout. La nourriture abonde. Les forces nous reviennent et repu, on s'endort.
La Saison d'ailleurs ne figure nulle part. Elle éclôt simplement en images colorées.
On grimpe sur le rafiot de l'imagination. On convoque son secours pour franchir la passe.
On appareille enfin.
Pour solde de tout compte, on largue son passif.
On crie : « Bon Vent » au monde !
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Gérard B.
une forte émotion : Le film et l’homme
L’homme, connu de tous, mort depuis plusieurs années avait une aura d’intouchable. Le film retraçait son engagement, ses combats, sa vie d’homme simple. On en sortait chamboulé, ému.
Et patatras, l’information tombe comme un poids mort dans un étang boueux. Elle fait des vagues. Elle éclabousse tout. Elle salit tout. Le cerveau subit une surtension comme touché par un éclair lors d’un orage brutal. Un goût amer envahit la bouche devenue pâteuse. L’information est confrontée aux images du film et les tue. La pellicule, comme si elle avait subi l’outrage du temps, devient noire, s’effrite et tombe en lambeau. Comme après un malaise, on se sent vidé, épuisé. On se retrouvait chamboulé, trompé.
La page blanche
Je suis entré dans le livre
En tournant les pages
C’est par les mots que surviennent les histoires
La page blanche, aurore d’un jour avant le lever du soleil, autorise toutes les audaces.
La page blanche, gouffre d’ignorance, intimide l’auteur. Il est tétanisé, en manque d’idée. Il mâchouille son stylo. Il le repose. Il se lève, fait quelques pas, se rassoit. Il reprend son stylo, le repose à nouveau. Il regarde le plafond ou par la fenêtre pensant y trouver l’inspiration. Son esprit s’éloigne, se perd, revient à lui. Une première idée germe, vite remplacée par une ou plusieurs autres. Enfin il trouve son personnage et son histoire.
La page blanche, estomac affamé, crie famine. Elle attend un signe. Elle attend des mots, bons ou beaux, des métaphores, des anaphores, des rimes, des litotes et bien plus encore. Elle accepte les couleurs, les sentiments, des hommes ou des femmes, beaux ou moches, gentils ou méchants. Elle veut bien des amours, des ruptures, des rires, des larmes, de la bonté, de la cruauté. Elle accepte les histoires vraies ou inventées, personnelles ou pas, gaies ou tristes. Elle veut bien une chute, attendue ou surprenante.
La page blanche, crie douleur, martyrisée par son maître. Elle accepte la première majuscule, le premier mot, la phrase d’introduction. Le premier paragraphe lui donnera peut-être une idée du sujet. Et puis, plus ou moins vite selon les hésitations de l’auteur, la page se noircit. Elle devra subir les phrases trop longues, les idées sans queue ni tête, les fautes. Elle subira aussi les ratures, les mots dans la marge, les flèches. Pire, elle pourrait endurer le martyr du chiffonnage et de la poubelle pour laisser la place à une page vierge.
La page blanche, mère porteuse, accouche enfin. Elle a réuni ses congénères et ses personnages, a organisé ses chapitres et ses pages, a ménagé son suspense ou a dévoilé son intrigue dès la première phrase. Elle se pare d’un titre permettant de se reconnaitre au milieu des autres écrits.
Les pages blanches, fières comme un paon, se livrent. Se livrent en roman, nouvelle, poésie. Et selon la volonté de l’auteur, iront chatouiller les oreilles de ses collègues de labeur ou resteront cachées au fond d’un cahier. Dans leurs rêves le plus fous, les pages blanches oseront le livre. Elle se présenteront sous leurs plus beaux atours. Une couverture colorée, une quatrième de couverture qui donne envie.
Les pages blanches, opèrent leur mue, se livrent à une lumière incertaine, souhaitant ne pas finir dans le nuit profonde d’un tiroir.
Éclats de la joie
La joie, lorsqu’elle éclate, sort par les yeux, coule sur les joues, efface les rides, blanchi les dents. La joie est aristocrate, néglige les petites peines et de plaisir rougeoie. Mais la joie n’est pas diplomate, elle se moque de la tristesse et la foudroie. La joie ingrate, oublie la nostalgie et la broie. La joie acrobate, fait un pied de nez à la peur, l’avale telle une proie.
La joie, sournoise, se carapate rapidement et dans l’abîme des autres sentiments se fourvoie. Alors moissonnez les joies pour en faire des bouquets de bonheur et, pour ne pas les garder pour soi, distribuez les dans la bonne humeur. Néanmoins tenez vous à distance des rabat-joie.
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Jean-Louis D.
Je suis entré dans l'incertitude
en poussant la porte de l'église
c'est par les mots que vient le questionnement
Je suis entré dans le questionnement
en poussant la porte de l'école
c'est par les mots que vient le raisonnement
Je suis entré dans le raisonnement
en poussant la porte de la faculté
c'est par les mots que vient le doute
Je suis entré dans le doute
en poussant la porte de la liberté
c'est par les mots que vient la diversité
Je suis entré dans la diversité
en poussant la porte de la nature
c'est par les mots que vient l'universalité
Je suis entré dans l'universalité
en poussant la porte de l'université
c'est par les mots que vient la faculté
Je suis entré dans la faculté
en poussant la porte de la difficulté
c'est par les mots que vient le jeu
Je suis entré dans le jeu
en poussant la porte de la facilité
c'est par les mots que vient le hasard
Je suis entré dans le hasard
en poussant la porte de la certitude
c'est par les mots que vient la nécessité
Je suis entré dans la nécessité
en ouvrant la porte de l'univers
c'est par les mots qu'on finit par se paumer.
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Jeanne C.
Je suis entrée dans une nouvelle ère de ma vie,
En poussant derrière moi la porte du passé.
C’est avec la nouvelle année qu’un vent de renouveau s’est levé.
En janvier, la neige tombait, le froid était saisissant,
la ville s’étendait sous un épais manteau blanc.
En janvier, je me sentais prisonnière d’une relation étouffante, figée comme un lac gelé.
L’hiver glacial semblait refléter l’immobilité de ma vie, sans horizon, sans issue.
Pourtant, au creux de ce gel, je sentais poindre un changement inévitable.
Janvier portait déjà les promesses d’un bouleversement à venir,.
En janvier, sous les flocons, je parcourais les rues enneigées,
cherchant des appartements, imaginant un ailleurs.
En janvier, je savais, au fond de moi, qu’avant la fonte des neiges,
je serais partie, libre.
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Laurence P.
1 -
C’est le printemps, je suis dans le jardin, les mains dans la terre. Un bruit au-dessus de ma tête, je lève les yeux vers le ciel. Ce sont des oies qui font le chemin du retour dessinant un V parfait dans un ciel bleu azur. Une émotion très forte me submerge… Une larme coule, est-ce d’avoir trop regardé le ciel ou devant ce spectacle banal mais tellement beau. Je l’ai vécu comme un cadeau de la nature tout en ressentant une tristesse infinie.
II –
Je suis entrée dans la vie,
En poussant la porte du printemps,
C’est par la lumière du printemps que vient le renouveau
La saison du renouveau, ce sont 50 nuances de vert.
A la saison du renouveau, la nature s’éveille après des mois d’un sommeil lourd et froid. Dans les starting-blocks, contrariée d’avoir dû se résoudre à cette inactivité, elle se réchauffe aux premiers rayons du soleil. Fantasque, elle explose, symphonie de couleurs vives, feu d’artifice de senteurs. Les couleurs du printemps nous encouragent à accueillir de nouvelles perspectives. C’est une injonction à en finir enfin avec la léthargie hivernale !
A la saison du renouveau, la lumière du jour s’étire doucement et empiète sans violence mais inexorablement sur la nuit comme pour vouloir en chasser les pensées obscures.
A la saison du renouveau, la vie respire à plein poumon. Nous devenons pareils, aux oiseaux qui s’en donnent à cœur joint en sifflant, saisis par une envie irrésistible de chanter pour les accompagner. On contemple, on s’émeut, on jubile devant un brin d’herbe vert tendre, un cerisier en fleur ou des bourgeons qui éclatent libérant feuilles et fleurs.
La saison du renouveau, c’est un basculement rempli de promesses.
A la saison du renouveau, Les fenêtres s’ouvrent, les maisons s’aèrent, envie de légèreté. On range pour faire le vide dans son esprit.
A la saison du renouveau, Il est temps de faire ses valises et de repartir à l’aventure, nous aspirons à explorer, à découvrir. La vie revient avec une telle force que l’on s’en voudrait de ne pas répondre à cet appel si pressant !
A la saison du renouveau, hâtons-nous d’arpenter la vie en tenue colorée et d’un pas léger car la saison froide arrivera toujours trop tôt.
« A la fin d’une vie, une fois dépassés les interdits de jeunesse, on devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps ». Marguerite Duras.
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Martine M.
J’ai rencontré le Lapin blanc, mais le temps n’était plus de mise.
Cette année là je devins plus légère, fantasque.
J’avais été si lourde de peine.
Je décidai de changer de maison ! Ma maison si attendue, si désirée, tant aimée, je l’abandonnai.
Cette année là je desserrai encore quelques freins.
L’argent fut fait pour être dépensé !
Un impensé jusqu’alors.
De fourmi je devins cigale : les volets bleus juste repeints, je les voulus verts.
Cette année là fut le prémice d’une autre année où la fantaisie prit le pas. Je grimpais aux échelles, escaladais les escabeaux et culbutais jusqu’en bas sans m’en soucier : la pesanteur ne devait plus peser.
Cette année en fit naître une autre qui précéda la suivante et en entraîna d’autres ...
Cet homme adoré cessa d’être mort.
Mais il manqua encore, d’une autre façon.
Avant je savais où le trouver, lui porter les fleurs de notre jardin, lui parler d’amour, le pleurer et lui promettre de le rejoindre bientôt.
Cette année là je ne sus où le chercher... ni quand l’attendre...
Il manquait à l’appel.
Comment pouvait-il me donner tant d’angoisse, lui si présent autrefois, si fidèle et si aimant. Une autre femme peut-être…
Cette année là... Je changeai de maison encore... pour une très grande, avec tant de chambres, des balcons, et des ascenseurs avec des miroirs. Dans ces miroirs je saluai chaque jour une amie chère qui avait les mêmes goûts que moi. C’était si drôle. Nos vêtements étaient identiques. Cette familiarité m’enchantait.
Cette année là et d’autres après elle, je parlais de ma fille ... à ma fille. Elles avaient le même prénom. C’est étrange le hasard... Mais ma fille, elle, n’était pas gentille : elle ne venait pas me voir.
Heureusement, il y avait toutes ces dames qui venaient si souvent. Elles étaient si aimables. Elles me mettaient de la musique et nous chantions ensemble quand je ne pleurais pas. Elles voulaient bien que j’aille voir mon grand père, mais toujours demain...
Je m’en irritais parfois. Parce qu’enfin je savais bien qu’il avait besoin de moi, mon pépé si doux , le seul à avoir embelli mon enfance...
Ces années là, je parlais aux oiseaux, aux chats et aux chiens. Je l’avais toujours fait. Ils me consolaient, mais j’avais peur pour eux. Je voyais bien qu’on les maltraitait, qu’on les laissait mourir de froid sur mon balcon. Je les entendais pleurer, même si on me disait que c’était le store de ma voisine qui grinçait lorsqu'elle le baissait..
Pourquoi me mentait- on ainsi ?
Me prenait-on pour une enfant ?
De joies factices en vraies angoisses, je continuai le chemin en compagnie du Lapin blanc...
Comment cela finit- il ?
Je ne sais plus .
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Michel C.
(La vague) Confusion des sentiments
Tel un rouleau écumant,
la colère m’emporte.
Ai-je perdu la face ? Est-ce la jalousie ?
Ou alors un désir que je n’ose avouer…
J’ai honte de m’emporter.
Mais qui a commencé ?
Elle, me donnant à croire, et en me provoquant ?
Ou bien mon imagination ?
J’en ai bien peur : le constat est amer :
je suis sentimental pour deux…
Allez mieux vaut en rire !
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Nita LP
L'ombre de la peur,
Elle rôde, m’errode,
diffuse, m'infuse
Immobile et sourde,
étouffante et lourde
Asphyxiante, elle s'incruste
Sombre comme l'ombre de mon ombre,
Elle colle, adhère, étouffe, étrangle.
Puis elle attache, elle empêche, paralyse.
Sidérée, pétrifiée, je tremble et tressaille
La vague des sentiments,
Elle a tout submergé…
Comme une houle déchaînée
Comme un torrent qui gronde
Une armée en déroute
Comme une avalanche meurtrière,
Une bête tentaculaire,
Elle s'est enflée, gonflée, exaltée jusqu'à n’en plus pouvoir
Et, subtilement, magnifiquement, impérieusement
Elle a roulé, enroulé, déroulé ses pouvoirs
La déferlante… J'ai sombré
Ma cinquième saison
Je suis entrée dans la sérénité
en poussant la porte de ma cinquième saison.
C’est par la paix de l’âme que vient la plénitude.
À la cinquième saison, on s’épanouit. On s’ouvre, c’est une surprenante éclosion, une grande et nouvelle naissance. On a vécu, on a envie de vivre encore : intensément, passionnément, tendrement...
À la cinquième saison, on se sent débordant des richesses accumulées durant les quatre saisons déjà vécues. Je suis ivre des trésors de mon printemps, comblée des fruits de l’été, gorgée des saveurs d’automne, animée par la splendeur de mes hivers.
À la cinquième saison, je sais être tout à la fois : hiver, automne, été, printemps ... Je me reconnais dans la terre et le feu, l’air m’enivre, l’eau me lave de toutes mes tristesses. L’espace et le temps se fondent en épousailles éternelles, ma ligne d’horizon recule.
À la cinquième saison, mon paysage est toujours fertile : les fleurs de mes jardins sont tellement colorées et les oiseaux si bavards, les arbres croissent avec tant de force et les fruits y foisonnent. Dans des océans toujours mystérieux, je déploie des voiles riantes et porteuses. Mon voyage continue, se souvenant d’aubes naissantes dans des yeux enfiévrés.
À la cinquième saison, mes couleurs vibrent à l’unisson de la musique des flots ; le bleu du ciel embrasse celui de la mer, s’unit au pers de mes yeux pour m’aider à mieux voir, mieux regarder, mieux comprendre les êtres et les choses ... Il se diffuse en moi une symphonie irisée, diaprée de nacre et d’ambre.
À la cinquième saison, le temps n’est plus compté ou quand il l’est, c’est pour un devenir sans limites. Je ne cours plus, je me déplace à ma guise, flânant ici et là, errant dans mes nostalgies, vagabondant dans mes joies. Usant de chaque seconde pour aller au bout de mes désirs, je peux enfin me reconnaître.
À la cinquième saison, je suis submergée par des milliers de mots jusqu’alors inconnus qui disent les joies et les tristesses, les espoirs et les désillusions, les ruptures et les amours éternelles. Légère du poids d’une vie féconde, les regrets, les remords n’ont pas leur place, je peux exprimer le tout et le rien, le tangible comme l’indicible...
À la cinquième saison, mon regard sur la vie est plus accueillant, si douce ma présence au monde, respectueuse ma soif de partage... Et cependant toujours aussi ardente mon envie d’habiter la vie... J’ai encore tant de livres à lire !
À la cinquième saison, l’espoir est partout : dans la course des nuages, dans le regard du petit-enfant, dans le temps inaltérable, dans le sourire fidèle des amis, dans la présence des aimés perdus, dans les promesses crépusculaires...
À la cinquième saison, le désir vibre, le désir veut, le désir vit...
À la cinquième saison, épanoui, on s’ouvre.
Avec confiance, à un temps nouveau... Avec sérénité, à un ailleurs... On s’ouvre, à une autre dimension, une plénitude sublimée
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Sylvie P.
Je suis entrée dans la joie...
Je suis entrée dans la joie
en traversant ce rideau de pluie, Cette pluie chaude et abondante, comme les larmes que j'ai versées
Je suis entrée en délivrance en me fondant à la mousson,
en quittant la cote de maille du guerrier toujours perdant.
A travers cette jungle, et sous les gouttes chaudes, Mes bottes sont boueuses et mes bras blessés. Ma pelisse trempée, mes yeux délavés.
Il faut tenir, couper, se frayer un chemin, chercher l'abri, prévenir, éviter.
Mon être entier sur le qui-vive entend, détecte, sent la présence de la bête qui se terre, le serpent, l'araignée, le fauve.
Je monte la garde et je m’épuise.
A la mousson, tombe la pluie.
Trempe, détrempe, macère, ramollit
Le sol fume, les plantes se déploient, exhalent.
La pluie tombe à verse et je retiens mon souffle, je cherche à éviter.
Je m'épuise, la pluie tombe à verse, incessante, sans merci, chaude sur mes yeux.
Les mots qui blessent se désintègrent. Les épines, lacèrent, meurtrissent et ravivent ma chair.
Je me laisse envahir, dévorer.
Je laisse la nature se faire comme un ordre des choses que je ne maitrise plus.
Je m'abandonne aux pluies chaudes et humides.
Je ne cherche plus rien que sentir ce corps sans contours se dissoudre.
Je suis magma, parcelle infime et totale du grand délitement.
Je me laisse imbiber, absorber. Je me laisse inonder.
Je suis inondée, emplie de cette eau qui s’infiltre...
Je lâche, je me fonds, me confonds avec la feuille ruisselante, la liane étrangleuse glisse sur moi, les noeuds se défont, les muscles se détendent.
Mes veines deviennent sève, nervures et tiges de chlorophylle,
Je suis végétal, humus qui suinte et dégorge.
Je deviens l'éponge qui s’imbibe et ruisselle.
Je glisse, humide dans la vase.
Je m'étale, je m'enfonce, me distends, me répands.
Les bribes de mon histoire relâchent leurs doigts crochus
Je perds toute vanité.
Je pleure, me déverse et me vide
Mon coeur, enfin, enfle, s'offre comme le nénuphar qui se déplie.
La peur se dissout, s’évapore.
Je ne suis plus, je suis.
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Viviane LB.
Nous voici au bord de la rivière, un samedi comme les autres...
Légére brise de décembre, soleil brillant, air frais ; les feuilles sous nos pas distribuent leur parfum d’humus boisé,
les coques de fruits écrasées, libèrent ces odeurs que l’on attribue aux miel, épicé, douceur sucrée, résine.
Un coin de ciel se projette dans l’empreinte d’un pneu, un petit sac plastique frémit entre deux roseaux.
Un coup de pied dans un tas de feuilles jaunes, brunes, vertes ; légèrement et sans protester elles vont rejoindre les autres ; boueuses, noires déjà déchiquetées.
Dans ma tête, encore un de mes sourire, me laisse croire…
Mon corps est crispé, ma douceur dissimule un tourbillon de douleurs assourdissantes.
c’est un cahot que je ne maîtrise plus, une forme amère, grimaçante, ubuesque prend place, me submerge …
Des images défilent, sapin enluminé, rires d’enfants, chaleur d’un jour que nous ne partagerons jamais.
Nous marchons, nos pas écrasent les feuilles, le soleil ne me réchauffe pas ;
il parle,
- ta mains est glacée,
ce ton paisible, un peu surpris, coule sur moi, tiède, inefficace cette fois-ci.
Ma respiration rapide, intensifie ma colère, je n’entends plus.
A moi de piller, écraser, flétrir, plus rien ne m’importe, juste partager cette blessure qui n’a pas su cicatriser.
Une explosion, un cri trop longtemps retenu,
une phrase mortelle laisse couler en quelques secondes, « le rouge et le noir, les roses mille fois photographiées, ces repas de tendresse, ces regards qui se frôlent, glissent et ferment nos paupières, joie illicite, mousseline de tendresse, sourire doux, enveloppant s ».
Le temps est passé, parfumé de souvenirs, paisible d’un Bonheur unique, tourbillon de la vie, valse éternelle.
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